Un article qui resurgit sur Facebook affirme que la consommation de la plante permet de guérir du cancer. Pourtant, aucune étude scientifique ne le prouve.
Sur Internet, chaque maladie a son remède miracle. Il serait « secret », « caché », « dissimulé », au choix… par les gouvernements, les grandes entreprises pharmaceutiques ou des intérêts économiques divers. Le cancer ne fait pas exception : il se soignerait tout simplement grâce au cannabis, selon une rumeur persistante sur les réseaux sociaux. C’est malheureusement faux.
Ce que dit la rumeur
L’affirmation selon laquelle le cannabis pourrait guérir le cancer a récemment connu un regain de popularité sur les réseaux sociaux, notamment avec cet article daté de 2016 sur les prétendues vertus curatives de la plante. On en retrouve des versions presque identiques publiées en anglais et plus récemment sur des sites américains (ici ou là).
L’auteur affirme que :
« C’est officiel, (…) l’Institut national du cancer [américain] vient de confirmer secrètement que le cannabis soignerait le cancer. Des études non publiées ont donné des preuves incroyablement prometteuses que le cannabis possède de nombreuses propriétés médicinales. (…) Il existe de nombreux cas de cannabis qui soignent [sic] le cancer. »
POURQUOI C’EST FAUX
C’est l’utilisation du terme « soigner » qui entretient la confusion : le cannabis peut soulager les symptômes d’une maladie (douleur, anxiété, etc.), mais ne permet pas d’en guérir. Deux types de « soins » pour deux définitions radicalement différentes.
Le fait que le cannabis thérapeutique puisse soulager les personnes atteintes d’un cancer des symptômes de leur maladie et des effets secondaires de leur traitement fait consensus dans la communauté scientifique. Ainsi, l’Institut national du cancer (NCI) américain affirme en introduction de sa section « questions-réponses », citée par la rumeur, que le cannabis est envisagé pour « soulager les douleurs, les nausées, l’anxiété et la perte d’appétit causées par le cancer ou par les traitements de la maladie ».
C’est parce que ce consensus existe que de nombreux pays ont autorisé la vente sur ordonnance de cannabis à des fins thérapeutiques.
En aucun cas un traitement
Le cannabis peut-il pour autant être considéré comme traitement du cancer, en remplacement de la chimiothérapie par exemple ? L’auteur de la présente infox cite, à ce titre, une étude selon laquelle « les cannabinoïdes peuvent inhiber la croissance des tumeurs ».
Un tel phénomène a certes été observé, mais sur des rats et des souris, ou encore des cellules cultivées en laboratoire. En aucun cas chez l’être humain. Or, comme le rappelle l’Institut du cancer anglais (Cancer Institute), « les humains sont bien plus complexes, et ce genre de résultats ne peuvent leur être appliqués automatiquement ».
L’institut américain affirme qu’« aucune étude en cours pour utiliser le cannabis comme traitement du cancer humain n’existe dans la base de données » du ministère de la santé américain. Cette base de données est consultable ici (en anglais). Et de conclure en rappelant que la Food and Drug Association (FDA), chargée de contrôler la mise sur le marché des denrées alimentaires et des médicaments aux Etats-Unis, « n’a pas approuvé l’utilisation du cannabis ou de ses dérivés comme traitement contre le cancer ».
De possibles risques passés sous silence
Par ailleurs, l’article ne fait aucune mention du débat qui anime les scientifiques sur la dangerosité potentielle du cannabis thérapeutique. Si elle est mal encadrée, sa consommation pourrait avoir des effets nocifs chez les cancéreux, notamment en cas d’interaction médicamenteuse (lorsque le patient prend du cannabis alors qu’il est déjà sous traitement).
C’est l’une des questions soulevées lors du congrès de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO), qui réunit jusqu’au 4 juin, à Chicago (Illinois), la fine fleur des cancérologues du monde entier. Parmi des dizaines d’autres pistes, les vertus du cannabis dans la lutte contre le cancer ont été discutées. D’après le spécialiste québécois du cannabis thérapeutique Claude Cyr, intervenant au cours de l’événement, « il y a des études qui démontrent que dans certains cas cela pourrait faire augmenter la grosseur des tumeurs ».
Une autre spécialiste présente sur place et interrogée par Franceinfo, Charlotte Joly, cancérologue à l’hôpital Henri-Mondor, à Créteil (Val-de-Marne), a insisté sur le danger des interactions médicamenteuses. D’après elle, la France a donc bien fait de jouer la prudence avant de lancer l’expérimentation du cannabis thérapeutique sur son territoire.
Un décret de 2013 autorise déjà la vente de trois médicaments à base de cannabis, de manière très exceptionnelle. Aujourd’hui, c’est bien l’idée d’une légalisation complète à des fins thérapeutiques qui prend forme, pour soulager certains symptômes de maladies comme le cancer (douleurs, anxiété, nausées, manque d’appétit, etc.).
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) doit rendre, le 26 juin, les conclusions de son rapport très attendu sur la mise en vente de traitements à base de cannabis, avant une validation définitive de l’expérimentation par le ministère de la santé. Entre 300 000 et 1 million de Français pourraient être concernés, sur une zone géographique qui reste à définir.
Source : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/06/04/non-le-cannabis-ne-guerit-pas-le-cancer-mais-peut-soulager-les-malades_5471431_4355770.html