Publié le 14 Septembre 2020 | Par Par Vianney Smiarowski, France Bleu Champagne-Ardenne
Le débat sur la légalisation de la vente de cannabis est relancé. Le maire de Reims estime que la politique répressive est un échec. Une idée partagée par le docteur Alain Rigaud, président de l’ANPAA dans la Marne, l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie.
La question est loin d’être nouvelle mais elle divise toujours autant. Faut-il légaliser la vente de cannabis en France pour lutter contre les trafics ? Le maire de Reims, Arnaud Robinet relance le débat. Il a écrit au Premier ministre pour lui demander un vrai débat sur le sujet et propose que sa ville soit candidate à une expérimentation. Pour lui, la politique répressive est un échec depuis 30 ans. « La France a l’arsenal répressif le plus strict d’Europe et pourtant, c’est le pays qui compte le plus de consommateurs de cannabis: 11% des Français, trois fois plus qu’il y a 30 ans », écrit le maire de Reims.
Il ne faut pas confondre cannabis et les autres drogues
Psychiatre de métier, le docteur Alain Rigaud, président de l’ANPAA dans la Marne, l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie, partage le constat du maire de Reims. « C’est un constat que notre association a fait depuis longtemps, avec d’autres de nos partenaires. Nous demandons depuis longtemps une réforme de la politique des drogues en France et nous plaidons notamment pour une légalisation du cannabis. Mais je précise bien du cannabis seulement, pas des autres drogues parce qu’il ne faut pas confondre, comme Gérald Darmanin, le cannabis et les autres drogues comme la cocaïne ou l’héroïne qui n’ont pas du tout les mêmes effets, ni les mêmes dangers », dit Alain Rigaud, invité de France Bleu Champagne Ardenne ce lundi 14 septembre.
1,5 millions de consommateurs réguliers en France
Le docteur Alain Rigaud plaide pour une réforme de la politique sur la légalisation du cannabis. « Cela permettrait d’abord d’avoir un système qui permettrait de mieux protéger les plus faibles, les plus jeunes, d’avoir une politique de prévention, une politique éducative et aussi une politique de réduction des risques pour les nombreux consommateurs parce qu’en matière de cannabis, il faut savoir qu’il y a déjà 5 millions de Français qui déclarent avoir déjà fumé du cannabis. A 17 ans, quatre ados sur 10 ont déjà expérimenté. Il y a 1,5 millions de consommateurs réguliers en France. C’est un phénomène de masse qui n’a absolument pas été enrayé par la prohibition et la répression en vigueur. Ces consommateurs sont obligés de s’adresser au marché clandestin. Cela leur fait courir des risques et cela entretien tout le trafic qui enrichit les trafiquants. Cela profite à la criminalité, ça donne du travail aux forces de l’ordre qui n’en peuvent plus et à la justice qui a du mal à suivre et donc il faut changer de système », explique Alain Rigaud.
Selon le docteur Alain Rigaud, la prohibition n’encourage pas les consommateurs à aller se soigner. « Parce que quand on consomme un produit qui est encore illégal, on a peur, on craint de faire de mauvaises rencontres. Il peut y avoir un manque de confiance aussi dans le secret professionnel. C’est vraiment un tabou sur la société », dit-il.
Des résultats « intéressants » dans les pays qui ont légalisé
Les Pays-Bas, la Belgique, la Suisse, l’Espagne, la Portugal, certains pays ont fait le choix d’avoir une politique moins répressive sur l’usage du cannabis. Si la question divise toujours autant en France selon Alain Rigaud, c’est avant tout « une position idéologique ».
« Le ministre de l’Intérieur a dit qu’il fallait montrer que la drogue devait rester interdite, en confondant stupéfiants légaux et illégaux et qu’il ne fallait pas baisser les bras. C’est une position qui est idéologique alors que d’autres pays en Europe, ou dans le monde américain ont des positions plus pragmatiques, plus raisonnées et ne confondent pas le cannabis et les autres drogues. Ils ont des résultats biens plus intéressants que ceux que nous avons en France et ils n’ont pas eu d’exacerbation ni de la criminalité, ni du développement de la consommation », précise le président de l’Association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie dans la Marne.
Source France-Bleu