L’approche d’échéances électorales est traditionnellement sujette à des initiatives gouvernementales. Et quand il s’agit de défier une extrême-droite ayant le vent en poupe, la thématique sécuritaire devient prioritaire. Et c’est dans un opportun coup-double que la macronie se fourvoie en tapant sur les quartiers populaires dont les habitant.es se trouvent être majoritairement… d’origine étrangère. Malin !
Immigration = drogues = insécurité. Le fameux trio politiquement porteur pour des appareils politiques définitivement hors-sol, aveugles à toute expérience alternative, en occurrence une politique pragmatique des drogues. Et de poursuivre, tête baissée, une stratégie ayant largement démontré, depuis les années Nixon aux USA, sa totale inefficacité.
Tandis que de plus en plus d’États nord-américains s’en détournent au moins en ce qui concerne le cannabis, que des pays dans le monde entier choisissent d’expérimenter des solutions alternatives à une prohibition bête et méchante, la France persiste dans des opérations gesticulatoires dont on peut, sans risquer de se tromper, présager un funeste résultat. Que peuvent-elles provoquer sinon des remous dans les réseaux de trafic et de distribution visant à s’adapter, réorganiser les hiérarchies des différents clans avec tout son lot de règlements de compte. Des violences qu’une régulation du marché ne manquerait pas de faire disparaître, les antagonismes commerciaux ou sociaux se réglant, dès lors, devant des tribunaux commerciaux ou le conseil de prud’hommes.
Mais cette perspective légaliste ne semble décidément pas intéresser nos dirigeants plus prompts à flatter l’électorat réactionnaire sans pour autant répondre à la détresse des résidents des quartiers populaires. La vérité semble être qu’ils s’en foutent comme de leur première mise en examen ou du réchauffement climatique.
C’est donc à un rendez-vous que le CIRC vous invite. Celui de la prochaine campagne électorale où la question du trafic de drogues ne manquera pas de revenir.
Il y a l’offre, certes, mais surtout la demande. S’agissant d’un contexte d’économie de marché, comment s’imaginer qu’un dispositif répressif puisse contraindre ce que d’aucuns qualifient de « main invisible du marché » ? D’autant plus si l’offre se fait de plus en plus multiple. Car c’est bien la prohibition des quelques plantes précurseuses de la production de drogues qui provoque celle de substances de synthèse ou semi-synthétiques. Un nouveau marché inépuisable tant la chimie repousse les limites de l’innovation en matière de psychotropes.
Usagers de drogues et habitants des quartiers populaires, le plus souvent « issus de l’immigration », vont à nouveau faire les frais des ambitions politiques. Les premiers, stigmatisés comme toujours, rendus responsables du trafic international. De quoi faire oublier la véritable responsabilité des États ayant abandonné le marché aux réseaux criminels. Ils en sont devenus, depuis, les complices objectifs.
« Le thème de la guerre à la drogue est devenu l’un des morceaux de bravoure de politiciens cyniques ou démagogues qui investissent électoralement dans le sécuritaire et le contrôle social. Discours musclé inusable, soutenu par les bureaucraties chargées de la répression en quête de crédits et de légitimité, la prolongation indéfinie des hostilités sert leurs ambitions. » (Christian de Brie, Manière de voir n°29, »Conflits fin de siècle », fév. 1996).
Communiqué du CIRC, le 20 mars 2024
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