En mai 1981, juste après un discours de François Mitterrand récemment élu président de la république, TF1 proposait un documentaire « Hasch à la ferme » où l’on découvrait deux jardiniers en herbe déguisés en Mickey déambulant dans leur potager au milieu de pieds de beuh dont ils vantaient (à juste titre) les vertus.
C’était une première à une heure de grande écoute. Dix ans plus tard, nous apprendrons qui se dissimulait derrière les masques… Et l’un deux, c’était Pierre Michel qui créera dans la foulée du reportage de TF1 le collectif « Fumée douce » dont l’objectif était, du moins je le suppose, de soutenir les cannabiculteurs en proie à la répression ou de prodiguer des conseils horticoles… Bref de populariser la culture du chanvre dans tous ses états.
Qui du représentant du collectif Fumée douce ou du Circ fit le premier pas, je ne me souviens plus. Toujours est-il qu’un jour de novembre 1994, juste après une garde à vue éprouvante et le coup de gueule du Comité national d’éthique préconisant de dépénaliser l’usage du cannabis, Pierre-Michel nous attendait afin de nous véhiculer jusqu’à Amsterdam pour participer à la première « Cannabis Cup européenne ».
De cet événement inoubliable naquit une relation amicale et militante entre le Circ et Pierre-Michel, lequel décide alors de réactiver « Fumée douce » en déposant des statuts en bonne et due forme à la préfecture du Lot, mais le préfet, sous prétexte que ses membres incitent à la culture du cannabis, refuse d’enregistrer l’association. Pierre-Michel ne se démonte pas, il fait appel à maître Caballero, célèbre avocat de la cause cannabique et auteur du « Droit de la drogue ». Quelques semaines plus tard, la préfecture revenait sur sa position initiale.
Pierre-Michel était un adepte de la guérilla verte. Qu’importe qu’il soit connu comme le loup blanc par les gendarmes, tous les ans il sélectionnait des variétés de cannabis qu’il disséminait sur son terrain après les avoir minutieusement préparées en intérieur. Pour les avoir vues à quelques jours de la récolte, ses plantes vigoureuses et débordantes de résine forçaient l’admiration de tout cannabiculteur. Et puis Pierre-Michel était généreux, il offrait volontiers ses boutures qui mises en terre s’épanouissaient à tous les coups.
Fort de son bon droit et fort en gueule, il n’avait peur de rien et surtout pas des flics qui déboulaient chaque année (ou presque) à l’heure de la récolte. Jamais il ne capitulerait, les gendarmes le savaient qui le condamnèrent à plusieurs reprises, en tant que multi récidiviste, à des peines de prison ferme,.. Et quand ce n’était pas les flics, c’était les voleurs qui chapardaient nuitamment une partie de ses récoltes car tout le canton connaissait les activités horticoles de Pierre-Michel.
En 1995, peut-être en 1996, Fumée douce et le Circ s’associent et organisent la « fête des vendanges » sur le terrain de Pierre-Michel. Oui mais voilà, des tracts annonçant cet événement confidentiel circulent lors du festival d’Aurillac… Et à l’heure dite des dizaines de camions de travellers, pour la plupart anglais, déboulaient à Carlucet. Bon prince, Pierre Michel leur prêtera un terrain. Ils y resteront quelques mois et fumeront une partie de sa récolte.
Électron libre ? Activiste inlassable ? Pierre-Michel, par sa gentillesse et sa détermination, restera dans le cœur de tous les militants un défenseur exemplaire de l’auto-production, une belle personne.
Nous ne l’oublierons pas.
Jean-Pierre Galland et KShoo, fondateurs du CIRC