Publié le 30 Août 2020 | Par Pierre Bafoil
Thérapie: Plusieurs acteurs de l’expérimentation du cannabis médical craignent un énième report dans sa mise en œuvre.
L’expérimentation du cannabis thérapeutique en France serait-elle en train de virer à l’arlésienne? C’est la crainte de nombreux acteurs de cet ambitieux projet qui devrait durer dix-huit mois et concerner 3.000 patients, avant une éventuelle généralisation à visée médicale d’un produit aujourd’hui prohibé. Lancé en grande pompe il y a deux ans et autorisé par l’Assemblée nationale en décembre dernier, il est sans cesse retardé depuis. En juin dernier, à cause de l’épidémie, les autorités sanitaires ont repoussé son démarrage à janvier 2021.
Mais seul un décret d’application permettra à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et au comité scientifique temporaire (CST) de débuter l’expérimentation. La direction générale de la santé a fait savoir qu’il devrait être publié en septembre, sans plus de précision. Sollicitée, elle n’a pas donné suite.
« Janvier n’est pas tenable »
Si l’ANSM concède que « le calendrier est serré », elle reste optimiste. C’est bien la seule. « Ça n’engage que moi, mais je pense que janvier n’est pas tenable », soupire le président du CST, Nicolas Authier. Le cadre de l’expérimentation et le cahier des charges ont beau être prêts, même si le décret était publié en septembre, procéder en quatre mois à la formation des médecins, à la sélection des fournisseurs et au contrôle des produits, relève de la gageure. « Il reste encore quelques détails qu’il ne faut pas bâcler », confirme le docteur Authier.
Autre inquiétude : le projet n’a reçu aucune dotation budgétaire. Comme le révélait le JDD il y a quelques mois, les fournisseurs sélectionnés délivreront donc gracieusement le cannabis. Ce qui pourrait poser des questions juridiques. « Un concurrent débouté risque d’obtenir la caducité du contrat du fait de l’absence de contrepartie financière », s’alarme Bechir Saket, porte-parole du collectif ACT, qui réunit une centaine patients concernés. Car l’ANSM l’assure, il n’y aura aucune compensation de la part de l’État. Beaucoup d’observateurs craignent ainsi que la France soit dans une « situation délicate ». « Les fournisseurs étrangers pourraient avoir certaines demandes pour rester sur le marché français s’il y a une généralisation post-expérimentation », estime Nicolas Authier.
Ce qui amène à un autre frein, politique cette fois : la volonté des agriculteurs français, creusois en tête, de concourir à l’expérimentation et donc de pouvoir cultiver la plante interdite. Ce dernier point devrait, lui aussi, être éclairci par un décret visant à délivrer ou non cette autorisation. Et peut-être, encore, retarder l’expérimentation.