Le samedi 11 janvier 2025 marque une étape historique pour la politique du cannabis à Berlin. Pour la première fois, une association de cultivateurs, le CSC Green Leaf Society, a distribué du cannabis légalement cultivé à ses membres. Cette première distribution s’est déroulée dans le calme, grâce à un système de créneaux horaires stricts, évitant toute affluence excessive.
Un modèle d’organisation rigoureux
Le Green Leaf Society compte 70 membres, dont 50 ont participé à cette première distribution. Environ deux kilos de cannabis ont été récoltés, permettant à chaque membre de recevoir sa part de 10 grammes, avec la possibilité d’acquérir des quantités supplémentaires selon les disponibilités. Jana Halbreiter, présidente de l’association, a expliqué que les besoins supplémentaires de chaque membre sont enregistrés, assurant une distribution équitable et transparente.
Adhésion et coûts : un modèle perfectible
L’adhésion au Green Leaf Society est fixée à 89 € par mois, donnant droit à 10 grammes de cannabis. Pour toute quantité supplémentaire, le tarif s’élève à 8,30 € HT par gramme. Si ce modèle associatif représente une avancée significative, il soulève néanmoins des interrogations. Le CIRC salue cette initiative, mais questionne la cohérence d’un prix aussi élevé dans un cadre censé être social et non lucratif. Un Cannabis Social Club (CSC) devrait proposer des tarifs plus accessibles, fidèles à l’esprit de solidarité qui sous-tend ce modèle. Ce positionnement risque de freiner l’adhésion des consommateurs et de limiter la capacité à concurrencer efficacement le marché illégal. L’exemple canadien l’a démontré : des prix trop élevés ont d’abord ralenti la transition vers le marché légal. Ce n’est qu’après une baisse stratégique des prix que 75 % du cannabis consommé provenait du marché réglementé, inversant la dynamique initiale. Ce constat devrait inspirer les projets européens afin de réduire réellement l’emprise des réseaux illicites. De tels tarifs pourraient davantage se justifier dans un cadre commercial assumé, comme celui d’un « Cannabistrot » ou d’un coffeeshop, où la recherche de profit est légitime.
Le modèle allemand : une adaptation contrainte
Il est essentiel de rappeler que le modèle des Cannabis Social Clubs en Allemagne est le résultat direct des contraintes imposées par la politique prohibitive des autres pays européens. L’Allemagne avait initialement envisagé une légalisation plus ouverte, inspirée du modèle canadien. Cependant, face aux blocages juridiques européens, elle a dû adapter son projet en faveur d’une approche associative plus restrictive. Cette évolution illustre les freins politiques qui ralentissent les réformes du cannabis en Europe. Malgré ces limites, le modèle allemand a le mérite d’inclure la liberté d’autoproduction, offrant aux consommateurs la possibilité de cultiver légalement leur propre cannabis, une alternative plus économique. Cette avancée représente un véritable progrès que nous espérons voir adopté en France.
Expansion et perspectives d’avenir
Le Green Leaf Society envisage d’accroître sa capacité de production dès le second semestre 2025, en fonction de la demande. Les inscriptions de nouveaux membres seront possibles à partir de février, ce qui pourrait renforcer leur modèle et permettre une baisse progressive des coûts.
Cette initiative berlinoise n’est pas isolée. Dès novembre 2024, le Cannabis Social Club Ganderkesee, en Basse-Saxe, a été le premier à distribuer du cannabis à ses membres. D’autres projets similaires voient le jour en Rhénanie-Palatinat, prouvant que l’Allemagne s’engage concrètement vers une politique pragmatique du cannabis.
La France, un retard qui devient coupable
En comparaison, la France persiste dans une politique prohibitionniste inefficace et criminogène. Les consommateurs français sont encore stigmatisés et criminalisés, tandis que les marchés parallèles prospèrent. Ce blocage politique est non seulement inefficace, mais il alimente les problèmes de sécurité et de santé publique que la prohibition prétend combattre.
Le CIRC milite pour une légalisation pragmatique et responsable, incluant le droit à l’autoproduction, la création de Cannabis Social Clubs véritablement sociaux et l’ouverture de Cannabistrots. Ces établissements offriraient un cadre légal et convivial pour la consommation, favorisant la réduction des risques et la sortie du marché noir. L’expérience allemande montre qu’une réglementation intelligente est possible. La France doit cesser de reculer et s’engager enfin dans une réforme courageuse et respectueuse des libertés individuelles.
La voie est tracée mais quand allons-nous de la suivre ?
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