La guerre aux drogues, menée à travers des politiques punitives au cours du siècle dernier, a échoué. Malgré des efforts mondiaux, la consommation de drogues atteint des niveaux records, et les sanctions pénales touchent principalement les jeunes, les minorités marginalisées et les populations économiquement vulnérables, exacerbant leur précarité.
Les politiques actuelles ont aggravé les méfaits sociaux et sanitaires, sans réduire significativement la consommation de drogues. Une réorientation est nécessaire, vers des pratiques de réduction des risques qui acceptent la réalité de la consommation de drogues et cherchent à en atténuer les impacts négatifs. Ces pratiques incluent :
- Les programmes d’échange d’aiguilles pour limiter la propagation des maladies ;
- La distribution de naloxone pour prévenir les overdoses ;
- Les thérapies de substitution aux opioïdes (TSO) avec des substances plus sûres comme la méthadone ;
- Les sites de consommation supervisée offrant des conditions sécurisées.
Cependant, ces mesures restent peu accessibles, ne couvrant que 2 % des personnes injectant des drogues à l’échelle mondiale, selon une étude de 2023.
La décriminalisation est identifiée comme une étape clé pour réduire les méfaits des politiques punitives. Elle n’augmente pas la consommation, mais favorise un meilleur accès aux traitements, réduit l’incarcération massive (20 % des prisonniers dans le monde sont liés à des délits de drogues), et limite les répercussions négatives sur l’éducation, l’emploi et le logement.
L’usage problématique de drogues, qui concerne environ 10 % des consommateurs, est souvent lié à des traumatismes, des conditions de vie précaires et un manque de soutien. Une réponse efficace nécessite des programmes de soutien familial pour les enfants et des politiques sociales pour améliorer les conditions de vie des adultes.
La prohibition a donc clairement échoué. Seules des stratégies humaines, basées sur des données probantes et respectueuses des droits des individus, permettront de réduire les méfaits des drogues.
Lire l’article publié par le journal The Lancet le 6 décembre dernier
Depuis plus de 50 ans, la politique française de prohibition du cannabis persiste, malgré ses échecs patents et son impact désastreux sur la société. Cette posture, loin d’être une maladresse ou un oubli, est un choix politique assumé, qui fait peser sur les citoyen(ne)s un système répressif injuste et inefficace.
Le CIRC (Collectif d’Information et de Recherche Cannabique) dénonce avec force ce statu quo, qui non seulement ignore les réalités sociales et économiques, mais alimente délibérément les inégalités et la violence.
La prohibition : un terreau fertile pour le crime organisé
La France est aujourd’hui l’un des pays européens les plus répressifs en matière de cannabis, tout en étant le premier consommateur en Europe occidentale. Cette contradiction illustre à elle seule l’inefficacité d’une politique fondée sur le dogme plutôt que sur les faits.
Un marché noir prospère et des violences accrues
Le trafic de cannabis représente près de 50 % des revenus du narcotrafic en France, soit plusieurs milliards d’euros annuels. Ces fonds alimentent directement :
- Les réseaux criminels organisés, qui prospèrent dans les quartiers populaires laissés à l’abandon par les politiques publiques.
- Les violences urbaines : fusillades, règlements de comptes, intimidations – autant de drames quotidiens auxquels l’État semble incapable de répondre autrement que par la répression aveugle.
Chaque euro dépensé dans la prohibition est un euro perdu pour la lutte contre ces réseaux et pour le soutien aux populations les plus vulnérables.
Un coût social et financier exorbitant
- 1,2 milliard d’euros par an : c’est ce que coûte la répression du cannabis à la société française, sans aucun effet dissuasif.
- Les forces de l’ordre saturées : Plus de 200 000 heures de travail policier sont consacrées chaque année à des interpellations pour simple usage, détournant les forces de l’ordre de leurs missions essentielles.
Ces ressources pourraient être réinvesties dans des politiques publiques efficaces, comme la prévention, l’éducation et la santé.
Les consommateurs : boucs émissaires d’une politique injuste
Loin de cibler les trafiquants, la prohibition s’acharne sur les consommateurs, en particulier ceux issus des classes populaires et des minorités racisées.
Une discrimination systémique
- Les interpellations pour usage de cannabis touchent 10 fois plus souvent les habitants des quartiers populaires que ceux des zones plus aisées, malgré une consommation répartie de manière homogène dans la société.
- Les contrôles au faciès, déjà dénoncés par des organismes comme Amnesty International, renforcent les discriminations raciales et sociales.
Des sanctions absurdes et disproportionnées
La législation actuelle criminalise des millions d’usagers, avec des conséquences graves :
- Condamnations pénales : inscrites au casier judiciaire, elles compromettent l’accès à l’emploi, au logement et à la vie sociale.
- Tests salivaire au volant : une mesure injuste qui sanctionne des usagers sans lien avec leur capacité à conduire, créant une double peine pour les consommateurs.
Ces politiques, loin de protéger la société, contribuent à en fragiliser les fondations.
L’État et les élu(e)s face à leurs responsabilités
La prohibition du cannabis n’est pas une erreur passive : elle est un choix politique criminogène, soutenu par des discours mensongers et hypocrites.
Un immobilisme coupable
Malgré les recommandations répétées de l’OMS, de l’ONU et de nombreux experts, l’État persiste à maintenir une politique répressive :
- Refusant de reconnaître l’échec du modèle prohibitionniste, pourtant abandonné dans de nombreux pays.
- Protégeant les intérêts économiques et idéologiques d’une minorité influente, au détriment de l’intérêt général.
Des discours stigmatisants
Certains responsables politiques n’hésitent pas à accuser les consommateurs d’être responsables de la violence liée au narcotrafic, occultant leur propre rôle dans le maintien de cette violence.
- La stigmatisation des usagers détourne l’attention des véritables responsables : les décideurs qui soutiennent la prohibition.
- Le refus de réformes masque une absence de courage politique, alors même que l’opinion publique est largement favorable à une légalisation régulée.
Pour approfondir le lien entre la consommation de drogues, la violence liée au narcotrafic et les politiques publiques, nous vous invitons à écouter cette émission pertinente qui réunit des experts tels que Jean-Pierre Couteron, psychologue et ancien président de la Fédération Addiction, et Marie Jauffret-Roustide, sociologue et chercheuse à l’INSERM.
Dans cette discussion, ils abordent l’augmentation des usages de drogues comme le cannabis et la cocaïne, les responsabilités des politiques publiques, et les mécanismes humains derrière la consommation, notamment en lien avec les environnements de travail.
Découvrez leurs analyses et pistes de réflexion :
Cet échange éclaire les enjeux complexes de la prohibition et montre pourquoi une véritable politique de prévention, centrée sur la santé publique et non sur la stigmatisation des usagers, est essentielle.
Les revendications du CIRC : une légalisation pragmatique et équitable
Face à cette situation, le CIRC porte une vision claire et ambitieuse, basée sur des principes de justice sociale, de santé publique et de libertés individuelles.
1. Une légalisation régulée et locale
- Encadrer la production et la distribution pour garantir la qualité des produits, protéger les consommateurs et assécher le marché noir.
- Favoriser une production locale et écologique, soutenant les petits producteurs et créant des milliers d’emplois.
2. Le droit à l’autoproduction
Chaque citoyen doit pouvoir cultiver du cannabis pour un usage personnel, seul ou en collectif, sans risquer de sanctions pénales.
3. La reconnaissance des Cannabis Social Clubs (CSC)
Ces associations permettent une production éthique et solidaire, tout en favorisant l’éducation et la prévention auprès des usagers.
4. La création des Cannabistrots
Ces lieux de vente encadrée et de consommation conviviale permettraient :
- De démocratiser l’accès au cannabis dans un cadre social et sécurisé.
- De favoriser la réduction des risques grâce à des conseils personnalisés.
- De générer des espaces de culture et de sensibilisation autour du cannabis.
5. Une politique de santé publique ambitieuse
- Remplacer la répression par des campagnes de prévention réalistes et adaptées.
- Investir dans la réduction des risques et l’accompagnement des personnes dépendantes.
6. La lutte contre les discriminations
- Abolir les mesures injustes et stigmatisantes, comme le dépistage systématique au volant.
- Réparer les torts causés par des décennies de politiques répressives.
Un mouvement mondial en marche
Des pays comme le Canada, l’Uruguay, l’Allemagne et plusieurs États américains ont démontré que la légalisation régulée fonctionne :
- Réduction des violences criminelles grâce à l’assèchement des marchés noirs.
- Création de recettes fiscales permettant d’investir dans l’éducation, la santé et les infrastructures.
- Amélioration de la santé publique, avec un accès sécurisé et encadré pour les usagers.
La France doit cesser d’être un bastion de l’archaïsme et rejoindre ce mouvement mondial.
Rejoignez-nous pour la Marche Mondiale du Cannabis 2025
Le CIRC appelle toutes les forces progressistes – associations, institutions, citoyens – à se mobiliser pour la Marche Mondiale du Cannabis, qui aura lieu à Paris le 1er week-end de mai 2025.
Nous manifesterons pour :
- Dénoncer l’immobilisme criminel de l’État.
- Exiger une légalisation juste et équitable.
- Défendre les droits et les libertés de millions de citoyens stigmatisés.
Il est temps de rompre avec cette politique injuste et destructrice. Ensemble, faisons entendre nos voix et bâtissons un avenir où justice, santé publique et liberté individuelle ne seront plus sacrifiées sur l’autel de l’idéologie.
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