ISÈRE – Trop souvent assimilé au cannabis, il est cultivé en France, mais il est interdit d’en récolter feuilles et fleurs, empêchant une économie prometteuse de se développer
En Europe, les produits à base de CBD, molécule contenue dans le chanvre, sont en plein essor. En France, l’interdiction de récolter fleurs et feuilles bloque toute perspective. À l’initiative de l’entreprise iséroise Naturamole, un consortium se monte pour faire bouger les lignes.
Chanvre et cannabis appartiennent à la même famille (cannabis sativa L.). Les deux plantes ont des molécules en commun : le cannabidiol (CBD) et le tétrahydrocannabinol (THC), molécule psychotrope beaucoup plus concentrée dans le cannabis. Si la France est le premier producteur européen de chanvre, la récolte des feuilles et des fleurs est interdite car elles contiennent justement des traces de THC (<0,2%), classé comme stupéfiant. « Or, c’est justement dans ces sommités que se situe la plus forte concentration de CBD. C’est un régime d’exception car l’amalgame est fait avec le cannabis », regrette Abdelkrim Gherrabti, PDG de Naturamole. L’entreprise spécialisée en biotechnologies, basée en Isère à Susville, près de La Mure, produit une gamme de molécules naturelles à destination des industriels de l’aromatique, de la parfumerie et de la cosmétique. Or la demande en CBD est forte. « Le marché mondial est estimé à 50 milliards d’euros car les débouchés sont nombreux : boissons et aliments aromatisés, cosmétiques, e-cigarettes mais aussi alicaments et médicaments. » En effet, cette molécule possède, entre autres, des propriétés anxiolytiques et anti-inflammatoires.
« Notre crainte est que les grands groupes pharmaceutiques mettent la main sur le CBD »
La demande des clients de Naturamole sur ce produit est croissante. « En 2015, nous avons créé un prototype d’extraction du CBD pour avoir un maximum de rendement à l’échelle industrielle. » Oui mais voilà, impossible de produire sous peine de poursuites, alors même que d’autres pays européens ont assoupli la réglementation et que leurs produits entrent librement sur le marché français.
« Nous allons créer un consortium dans lequel seront représentés tous les corps de métiers. L’objectif est de mettre fin à cette situation ubuesque et de faire pression pour que l’État nous permette de développer et tester des technologies en France », poursuit M. Gherrabti.
Le sénateur de l’Isère Guillaume Gontard a ouvert la voie pour revoir cette interdiction.
Il a de nouveau répondu présent lors de la rencontre organisée par Naturamole à Susville avec des élus, la députée Marie-Noëlle Battistel, des entreprises de construction chanvre, etc. « L’idée, c’est que chacun investisse et qu’on nous donne des autorisations provisoires d’essais. Notre crainte est que les grands groupes pharmaceutiques mettent la main sur le CBD et en verrouillent totalement le marché ». Sanofi, par exemple, est leader européen dans le domaine des opiacés (de la production de pavot à l’extraction des principes actifs).
« Pour nous, l’intérêt est de répartir la valeur ajoutée à travers le consortium entre agriculteurs, transformateurs industriels et distributeurs », insiste le PDG.
Pour Naturamole, cette niche du CBD, qu’elle vendrait comme matière première, représente des perspectives folles. Brevets, agrandissement du site… « Il faudrait que l’on embauche 50 personnes, plus des commerciaux. On travaillerait 24h sur 24h ! » Si seulement la législation évoluait.