El Mencho, la nouvelle terreur des autorités mexicaines et de Washington, vient de monter un hôpital dans son fief pour y soigner ses hommes et les villageois.
Par Marc Nexon | Publié le | Le Point.fr
Plus fort qu’El Chapo ! On connaissait la puissance des réseaux de l’ancien baron de la drogue mexicain actuellement condamné à perpétuité aux États-Unis. Mais l’homme a trouvé un maître. Son nom ? Nemesio Oseguera Cervantes, 54 ans, alias « El Mencho », issu d’une famille de cultivateurs d’avocats. Lui aussi moustachu et lui aussi d’une cruauté sans limites. À la tête du cartel Jalisco New Generation, une organisation forte d’un revenu de 50 milliards de dollars, El Mencho figure au premier rang des criminels les plus recherchés par le Mexique et la DEA, l’agence antidrogue américaine. Washington offre même une récompense de 10 millions de dollars pour toute information menant à sa capture.
Or voilà qu’El Mencho signe une réalisation inédite : la construction d’un hôpital. Un établissement érigé dans son fief, au cœur de l’État de Jalisco, situé à 500 kilomètres à l’ouest de Mexico. Et qui a pour vocation de soigner les locaux. Mais pas seulement. Également les membres de sa garde rapprochée et ses combattants blessés lors des affrontements avec les forces de l’ordre. La rumeur prétend même qu’il l’aurait financé afin d’y recevoir, lui-même, des soins. Un traitement pour ses reins mal en point. « C’est surtout un investissement destiné à accroître sa popularité et à remercier les gens de la région qui fournissent la logistique à ses troupes », souligne Falko Ernst, spécialiste des cartels à l’International Crisis Group à Mexico. « El Mencho fréquente davantage les hôpitaux des grandes villes de l’État de Jalisco. »
Du jamais-vu
Il n’empêche, jamais une organisation criminelle n’a joué à ce point la carte du service public. Certes, la pandémie a permis aux trafiquants de se mettre en scène à travers la livraison de masques et de colis de nourriture. Dans le passé, les membres des Zetas ont construit aux environs de Veracruz des routes réclamées par les paysans. Mais bâtir un centre de soins à la barbe de l’État mexicain, nul n’avait osé.
D’autant que le lieu offre toutes les garanties de sécurité au parrain de la drogue. Le bâtiment doté d’un bloc opératoire et d’une salle d’accouchement se dresse dans la localité d’El Alcihuatl, elle-même située à 50 kilomètres d’une ville de 10 000 habitants appelée Villa Purification, une place quasi imprenable du cartel et connue pour ses faits d’armes. C’est là qu’en 2015 les hommes d’El Mencho ont abattu d’une roquette un hélicoptère de l’armée tuant neuf soldats. Du jamais-vu dans la guerre entre le pouvoir et les narcos.
Et depuis l’empire d’El Mencho s’étend. Il gagne du terrain au centre du pays et parvient désormais à faire la jonction avec le golfe du Mexique, dont il contrôle l’essentiel du littoral. Le tout au prix de batailles rangées avec les militaires et d’attentats ciblés. En juin, El Mencho franchit même un pas supplémentaire. Ses tueurs tendent une embuscade au patron de la police de Mexico, Omar Garcia Harfuch. Un assaut mené par 28 personnes à l’arme lourde en pleine matinée sur une avenue de la capitale, proche du quartier des ambassades. Deux gardes du corps du convoi et une femme périssent. Le fonctionnaire touché de trois balles s’en tire miraculeusement. La scène marque les esprits, car jusqu’ici Mexico demeure relativement épargnée par la violence des cartels. Et c’est surtout la première fois qu’un groupe tente d’éliminer une personnalité de premier plan.
Impuissance d’Andres Manuel Lopez Obrador
Face à la stratégie du chaos d’El Mencho, le nouveau président Andres Manuel Lopez Obrador se montre impuissant. Depuis son arrivée au pouvoir en 2018, le nombre des assassinats bondit : 35 000 en 2019, le chiffre annuel le plus élevé depuis 22 ans. Et ses succès dans la lutte antidrogue sont rares. Seul cas notable : l’arrestation le 5 août de Jose Antonio Yepez, dit El Marro, le boss du cartel de Santa Rosa de Lima. Une opération conduite à l’aide d’hélicoptères, de drones et de centaines de soldats. Sauf que la mise à l’écart de l’intéressé s’apparente à un coup de pub pour le pouvoir et fait les affaires… d’El Mencho. « Tous deux s’affrontaient dans l’État de Guanajuato, explique l’expert Falko Ernst, El Mencho peut maintenant y accroître sa présence et concentrer ses forces ailleurs ». Tout en montant des hôpitaux…