lundi 17 mai 2021
Catherine Le Guen
Le cannabis médical est expérimenté au CHRU de Brest. Quatre patients ont été intégrés à ce jour. Ils seront 13, voire un peu plus, sur deux ans. Explications.
Les premières consultations pour l’intégration de patients dans l’expérimentation du cannabis médical ont commencé au centre antidouleur du Dr Bertrand Quinio au CHRU de Brest, deux autres services de l’établissement y participent, la neurologie et la médecine physique et de réadaptation, ainsi que l’Hôpital d’instruction des Armées (HIA).
Beaucoup d’utilisations « sauvages » du cannabis
« Nous participons à l’expérimentation nationale. C’est un test grandeur nature pour envisager une nouvelle politique publique », analyse le Dr Bertrand Quinio. Deux patients de Saint-Brieuc, un de Lorient et un de Brest viennent d’être intégrés, ils seront treize sur deux ans, voire un peu plus. Si l’un des patients de l’expérimentation arrête, en raison d’une inefficacité ou d’effets secondaires, il pourra être remplacé par un autre.
Mais de quel cannabis parle-t-on ? Le produit, sous différentes formes, est déjà utilisé par de très nombreux patients, de façon « sauvage ». Le cannabis représente plusieurs dizaines de composants différents. Seul le cannabidiol (CBD) qui a un effet relaxant est en vente libre en France. En revanche, le tétrahydrocannabinol (THC) qui procure les effets psychoactifs recherchés par les utilisateurs du cannabis récréatif est interdit. L’expérimentation porte sur ces deux molécules.
Seuls les patients en échec des traitements recommandés en première et deuxième lignes peuvent être intégrés.. Le cadre fixé par l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) est très strict concernant les publics concernés, cinq indications ont été retenues : la douleur neuropathique due à des lésions au niveau des nerfs, l’épilepsie résistante aux traitements, certains symptômes d’anorexie, d’anxiété ou de troubles du sommeil dans les cancers, la spasticité (contraction douloureuse des muscles) dans la sclérose en plaques et enfin les soins palliatifs.
Une fois intégré, le patient va recevoir un carnet de suivi dans lequel il va noter toutes ses sensations, il doit aussi s’engager à une visite médicale mensuelle et surtout à ne pas conduire pendant les deux ans de la durée de l’expérimentation. « C’est assez contraignant, le cannabis est considéré comme un stupéfiant, donc les prescriptions, comme pour la morphine, sont de 28 jours maximum ».
Le produit est prescrit sous forme d’huile à ingérer et le patient, au début, continue à prendre son traitement habituel. Trois mélanges différemment dosés sont disponibles. Le premier n’est que du CBD, le second contient CBD et THC à parts égales. Dans le troisième, le THC est dominant. « On avance tout doucement dans les posologies, parce que la marge entre dose thérapeutique et dose toxique est étroite », explique le Dr Quinio. À ce jour, il n’y a pas beaucoup de preuves scientifiques de l’efficacité du cannabis. « Ce n’est pas un produit miraculeux si l’on regarde les études antérieures. Au Canada, ils l’utilisent de manière courante, certains médecins canadiens trouvent qu’ils sont allés un peu vite, que les preuves scientifiques manquaient et que c’est devenu un business. Beaucoup en France ne pensent qu’au côté économique, au développement de certains territoires agricoles, alors que c’est avant tout un problème médical. Si on peut allier les deux, tant mieux. Mais il faut d’abord se poser la question du médical ! ».
Source : Letelegramme.fr