Le professeur Didier Raoult propose de légaliser puis de taxer le cannabis, un produit aux nombreuses vertus thérapeutiques.
Par le professeur Didier Raoult
L’État cherche tous azimuts de nouvelles recettes fiscales. Plutôt que de (sur)taxer l’hôtellerie, pourquoi pas une taxe sur le cannabis ? Si l’on s’en tient aux faits, en France, la lutte contre la consommation de cannabis est un double échec. 41 % des jeunes reconnaissent en avoir fumé, ce qui fait des adolescents français les plus gros consommateurs européens de cannabis. Par ailleurs, son trafic nourrit le crime organisé, il suffit de voir le motif de la plupart des règlements de comptes dans la région marseillaise. Sur le plan de la santé, le cannabis s’avère moins dangereux que la plupart des drogues légales, en particulier le tabac. Ses extraits chimiques commencent même à entrer maintenant dans des stratégies thérapeutiques, en particulier de lutte contre la douleur ou comme euphorisant.
L’addiction au cannabis est très inférieure à celle de la plupart des médications prescrites contre l’insomnie, la douleur, ou l’angoisse. En effet, les dérivés de l’opium créent des accoutumances dont il est très difficile de se débarrasser. Quant aux benzodiazépines prescrites comme anxiolytiques ou comme somnifères, elles sont probablement les drogues les plus addictives de toutes ! Leur arrêt brutal peut entraîner des épilepsies. Le sevrage aux benzodiazépines prend en moyenne six mois à un an, et nécessite une diminution très progressive. Pourtant, ces traitements sont facilement prescrits et renouvelés pendant des années sur ordonnance, alors que c’est théoriquement interdit.
La taxation de nos vices
Par ailleurs, de nombreux travaux ont montré que la mortalité liée aux médicaments comportant des opiacés utilisés comme antidouleurs est dix fois supérieure à celle des drogues illégales. Une récente étude publiée en juin dans le prestigieux Lancet (« America embraces treatment for opioid drug overdose ») montre que ces médicaments sont devenus, aux États-Unis, la première cause de mort accidentelle : 17 000 morts pour les opiacés, 6 000 pour les benzodiazépines, contre 3 000 morts de la cocaïne, 2 000 pour l’héroïne, et une mortalité liée au cannabis négligeable.
Il a été calculé que la légalisation puis la taxation du cannabis permettraient probablement de gagner entre 1 et 1,5 milliard d’euros, soit l’équivalent des recettes perdues sur le tabac à cause de la cigarette électronique. Ceci permettrait aussi de diminuer la criminalité des gangs qui se nourrissent beaucoup du trafic de cannabis. À la lumière de ces éléments factuels, la question d’une taxe sur le cannabis par l’État se pose. D’autant que, depuis quelque temps, certaines voix s’élèvent pour que la prostitution, les drogues et l’activité de la mafia soient considérées comme éléments du PIB puisque leurs bénéfices sont en partie récupérés par l’État, via la taxation indirecte sur la consommation.
La taxation de nos vices a toujours fait partie des recettes des États, il n’y a pas de raison d’en exclure le cannabis. Pour mémoire, la mafia est née en Amérique avec le trafic d’alcools, avant que celui-ci ne soit autorisé… et taxé par l’État.
Source : lepoint.fr