L’effet du cannabis sur la mémoire à court terme est bien connu : il peut temporairement altérer la capacité à retenir et à rappeler de nouvelles informations. Cependant, l’impact à long terme du cannabis sur le cerveau reste une question ouverte. Une étude d’envergure menée sur plusieurs décennies au Danemark apporte des éléments nouveaux et rassurants : aucune conséquence négative significative sur le déclin cognitif lié à l’âge n’a été observée chez les utilisateurs de cannabis. L’étude s’est basée sur les tests d’intelligence de la commission de conscription danoise, évaluant des hommes âgés de 18 à 26 ans, puis réévalués environ 40 ans plus tard, permettant une comparaison directe des performances cognitives sur une période prolongée.
Un contraste marqué avec le tabac et l’alcool
Contrairement au tabac ou à une consommation excessive d’alcool, tous deux associés à un déclin cognitif plus rapide, le cannabis pourrait même avoir des effets protecteurs modestes. Bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires, notamment chez les consommateurs intensifs, ces premiers résultats sont encourageants.
Une étude sur plus de cinq décennies
Réalisée par des chercheurs de l’Université de Copenhague, l’étude s’est appuyée sur les tests d’intelligence obligatoires de la commission de conscription danoise, passés entre 18 et 26 ans. Parmi les 5 162 participants, la moyenne d’âge à la réalisation du test de suivi était de 64 ans, soit 35 à 53 ans après le premier test. Lors de ce second passage, les participants ont été interrogés sur leur consommation de cannabis, actuelle ou passée.
Près de 40 % des participants ont déclaré avoir consommé du cannabis au moins une fois, tandis que 10 % étaient des consommateurs réguliers (à raison de deux fois par semaine ou plus) pendant moins d’une décennie. Environ 12 % étaient des utilisateurs fréquents sur une période de dix ans ou plus.
Des résultats encourageants
Même après avoir tenu compte de facteurs pouvant influer sur les résultats des tests de QI, tels que le niveau d’éducation, le tabagisme ou une consommation excessive d’alcool, les modèles ont révélé un déclin cognitif significativement moindre chez les consommateurs de cannabis par rapport aux non-consommateurs.
Plus précisément, la diminution moyenne du QI chez les consommateurs de cannabis était inférieure de 1,3 point. Bien que cette différence soit modeste et puisse ne pas avoir de portée clinique immédiate, elle est notable. Des études récentes sur des souris âgées ont par ailleurs montré que de faibles doses de THC peuvent avoir des effets protecteurs sur les fonctions cérébrales.
Chez l’humain, certaines recherches préliminaires suggèrent que le cannabis pourrait même améliorer les fonctions cognitives supérieures ou offrir une protection contre certaines maladies neurodégénératives, comme la maladie d’Alzheimer.
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Des effets possiblement réversibles
Les chercheurs ont observé qu’environ 92 % des consommateurs de cannabis n’avaient pas utilisé cette substance au cours de l’année précédant le test de suivi. Cette abstinence prolongée pourrait expliquer l’absence d’effets négatifs durables, même chez les anciens gros consommateurs. À cet égard, d’autres études ont également montré que les effets négatifs du cannabis sur les fonctions cognitives peuvent être inversés après une abstinence soutenue de trois mois ou plus.
Des résultats à confirmer
Les auteurs de l’étude, dirigés par la scientifique en santé publique Kirstine Maarup Høeg, précisent que d’autres travaux sont nécessaires pour déterminer si ces résultats reflètent une absence réelle d’effets négatifs à long terme ou si les effets du cannabis sur le déclin cognitif disparaissent après une période prolongée.
Bien que les données danoises concernent uniquement des hommes, elles sont cohérentes avec d’autres études internationales. Une étude australienne de 2016, par exemple, n’a trouvé aucun lien entre le déclin cognitif et la consommation de cannabis chez les hommes et les femmes d’âge moyen.
Conclusion : vers une meilleure compréhension des effets à long terme du cannabis
Malgré son statut légal encore restrictif dans de nombreux pays, le cannabis est l’une des drogues récréatives les plus consommées au monde, avec une prévalence globale estimée à 4 % de la population adulte selon le dernier rapport mondial de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC). Ce genre d’études, comme celle publiée dans la revue Brain and Behavior, une revue scientifique internationale spécialisée dans les neurosciences et la psychologie comportementale, contribue à informer les utilisateurs sur les impacts potentiels du cannabis à long terme et ouvre la voie à une compréhension plus nuancée de ses effets.
L’impact du cannabis sur le cerveau, loin d’être uniformément négatif, pourrait révéler des aspects bénéfiques dans des contextes précis. Cependant, des recherches approfondies et inclusives sont essentielles pour confirmer ces résultats et explorer davantage les effets à long terme chez des populations diverses.
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