1970 – 1990
En 1971, les États-Unis lancent une guerre massive contre les drogues, alignant les arrestations et les saisies. Les soldats de retour du Vietnam sont testés et sevrés. La France, premier producteur mondial d’héroïne, est devenue la cible prioritaire de Washington. En raison des premiers décès par overdose, le président Pompidou amorce un grand nettoyage. En cinq ans, grâce à l’aide américaine, la French connection est démantelée et 3000 trafiquants sont arrêtés.
Mais la demande en drogue continue d’augmenter. Une nouvelle génération de trafiquants apparaît: les « barons de la drogue », comme l’explique le 2e épisode :
Au Mexique, les paysans qui cultivent le pavot et le cannabis depuis 50 ans lancent le mouvement. Malgré la répression mexicano-américaine, Félix Gallardo fonde le premier grand cartel mexicain à Guadalajara. Il détient la quasi-totalité du marché de l’héroïne et de la marijuana. Ancien policier et fin connaisseur de la politique, il intègre une banque mexicaine, parvient à blanchir son argent et devient un businessman respecté.
En Sicile, quelques mafieux de la Cosa Nostra récupèrent les chimistes de la French connection, font venir l’opium du Moyen-Orient et distribuent la drogue aux Etats-Unis via des pizzerias. La « pizza connection » est née. Les parrains de Palerme font fortune.
La coca péruvienne et bolivienne refait surface et rejoint Wall Street, où elle est considérée comme non addictive. En Colombie, vaste territoire de jungle et de montagnes qui échappe au contrôle de l’État, les trafiquants se développent pour faire les intermédiaires. Avec son cartel de Medellin, Pablo Escobar industrialise le trafic. En 1979, le président Jimmy Carter impose à la Colombie un traité visant à extrader tout trafiquant vers les Etats-Unis. Mais Pablo Escobar paie si bien le monde politique colombien que le traité est suspendu et qu’il devient député suppléant au Congrès.
Désormais entourée de pays communistes, la Thaïlande prend peur et demande à une armée privée de protéger ses frontières. Cette armée est dirigée par Khun Sa, un jeune chef de guerre qui défend la minorité Shan du pouvoir birman, au coeur du Triangle d’Or. Khun Sa a désormais carte blanche pour faire circuler ses caravanes d’opium et gérer son laboratoire d’héroïne. A la fin des années 1970, ne parvenant à faire fléchir ni la Thaïlande, ni Khun Sa, les Etats-Unis arment la Birmanie.
Les grandes enquêtes italo-américaines
Aux débuts des années 1980, le chef de guerre Khun Sa s’installe dans sa terre natale, l’État birman du Shan. Son héroïne, pure et bon marché, inonde la planète. La dictature birmane laisse faire. Les États-Unis déplorent 10 millions de cocaïnomanes et 400’000 héroïnomanes.
En Italie, les méthodes sanguinaires du parrain des parrains Toto Riina (plus de 2000 personnes tuées sous son règne) provoquent l’effroi. C’est dans ce contexte que le juge italien Falcone entre en scène, en lançant plus de 20’000 investigations bancaires avec l’aide américaine. L’approche est inédite, les criminels ne se doutent de rien. Des laboratoires sont démantelés, des dizaines de petits mafieux sont arrêtés, mais les dirigeants de Cosa Nostra tiennent le choc. Jusqu’au coup de théâtre en 1983: le parrain Tommaso Buscetta est arrêté au Brésil. Sa famille ayant été abattue, le mafieux brise l’omerta. Les enquêtes italo-américaines s’accélèrent et découchent sur le maxi-procès de Palerme (360 condamnations en 1987) et celui de la Pizza Connection (1985 à 1987), favorisé par l’enquête de Joseph Pistone, infiltré de 1976 à 1981 sous le nom de Donnie Brasco. Le coup de grâce intervient en 1993, avec l’arrestation de Toto Riina (et près de 1000 autres criminels) suite à l’attentat contre le juge Falcone.
De la chute des cartels colombiens à la montée en puissance mexicaine
En 1982, sous les ordres du président Reagan, les États-Unis s’en prennent aux trafiquants colombiens, en menant une puissante opération en Floride. Déstabilisé, Pablo Escobar s’allie avec les trafiquants mexicains. Le cartel de Guadalajara devient tout puissant. Et cela avec la bénédiction du parti unique mexicain, le PRI, qui rackette toutes les activités économiques. Le Mexique est un narco-État. En 1985, la disparition d’un agent de la DEA américaine entraîne une gigantesque enquête. Le parrain Félix Gallardo est finalement abandonné par Mexico en 1989 et condamné à 40 ans de prison. Son cartel cède la place à des dizaines de petits cartels.
En Colombie, les autorités lâchent Pablo Escobar en 1984 déjà. Le nouveau ministre de la Justice, Rodrigo Lara, démontre qu’il est un narco-trafiquant et détruit ses laboratoires. Le politicien est abattu mais le gouvernement tient bon et ratifie l’accord d’extradition avec les Etats-Unis. Pablo Escobar se retranche à Medellin, lève une armée de 2000 adolescents puis fait brûler le Palais de justice avec les preuves de sa culpabilité. En 1989, les Etats-Unis font tomber le dictateur corrompu du Panama Manuel Noriega et menacent de faire de même avec Pablo Escobar. Terrorisé, le trafiquant aligne les attentats en Colombie. Les autorités colombiennes étouffent et trouvent alors un accord avec lui: son arrestation contre le traité d’extradition. Le narcotrafiquant gère ses affaires depuis la prison pendant un an puis s’enfuit. Obsédée par Pablo Escobar, la police colombienne se lie avec Washington, des paramilitaires et d’autres cartels pour en venir à bout. Le plus célèbre trafiquant de cocaïne au monde trouve la mort en 1993, lors d’un siège.
A l’autre bout du globe, en Asie, en 1993, le producteur d’opium Khun Sa déclare l’indépendance du Shan. Un conflit éclate avec la junte birmane. Le Roi de l’opium finit par se rendre trois ans plus tard.
Crédits
Article et réalisation web: Caroline Briner
« Histoire du trafic de drogue »
Proposé par Les documentaires de la RTS – Steven Artels
Histoire Vivante- Frédéric Pfyffer et Jean Leclerc
Réalisation: Christophe Bouquet et Julie Lerat
Février 2020
Source : rts.ch