Ce n’est pas après-demain l’avant-veille que les hachischins français auront place nette.
Si j’ai bien compris, on est toujours accros au sempiternel débat «dépénalisons ou pas le cannabis», tandis que l’Allemagne et le Conseil économique, social et environnemental (Cese) enfoncent les réticences de notre gouvernement. Dans chaque camp, chacun trouve son joint pour développer des arguments à hue et des arguments à dia. Légaliser ? Mais c’est tuer l’économie de quartier, en oubliant en outre que le cannabis est l’opium du peuple, lequel, avec son salaire de peuple et ses allocations de peuple, n’a pas les moyens de se payer du vrai opium d’aristocrate.
Mais c’est aussi en finir avec l’horrible trafic et les règlements de compte meurtriers qu’il instaure. Mais c’est également ouvrir la fenêtre à ces saloperies de drogues chimiques dont on ne serait pas surpris qu’elles fassent du tort à la planète. Et qu’est-ce que c’est qu’en finir avec le trafic comme une fin en soi ? Va-t-on aussi lutter contre l’évasion fiscale en supprimant les impôts, contre la fraude ferroviaire en ne délivrant plus de billets de train et contre la gourmandise en interdisant bonbons et gâteaux ?
Curieusement, ce sont les fumeurs qui réclament un débat serein et argumenté, comme si la déraison était l’apanage des non-fumeurs, stone de nature. Parfois, on a l’impression que, comme des Arabes et des noirs sont réputés engagés dans ces affaires, il y a une réaction instinctive de certains : «Alors non.» Et le fait que ce serait lutter contre n’y changerait rien : s’il y a des Arabes et des noirs, c’est non, sans réfléchir, question de sécurité. Le lobby pro-légalisation manquerait de poids face au lobby mafieux qui, en ne se présentant certes pas comme tel, convainc des bienfaits de la lamentable situation actuelle des parlementaires ivres de légalité.
Qui fume un œuf fume un bœuf
Il serait trop facile d’accuser sans preuves tel ou tel membre du gouvernement d’avoir jamais inhalé le moindre effluve d’un produit interdit. Cependant, en séparant le fond et la forme, il y a des manières de dire ou de raisonner suscitées par le cannabis se frayant un chemin jusque dans la parole présidentielle. «Eh mec, tu transperces le trottoir et tu en trouveras, du taf et de première. De l’autre côté du goudron, c’est le paradis, c’est moi que je te le dis !».
L’idée d’un tel lien entre la traversée de la rue et l’extinction du chômage était d’un fumeur si l’expression d’Emmanuel Macron restait sobre. C’est l’inverse pour le «pognon de dingue». Comme si dépénaliser, ça voulait dire que la sécurité sociale allait rembourser tous les acheteurs. Non, le pognon de dingue pourrait rentrer dans les caisses de l’Etat.
Sauf que si c’est au prix de problèmes de santé publique, merci bien. Ce n’est pas pour rien qu’on interdit le tabac et l’alcool, et que les viticulteurs sont des ennemis de l’Etat. On est cohérent ou on ne l’est pas. Qui fume un œuf fume un bœuf, s’il n’est pas empaqueté dans les règles dans un bureau de tabac. La schizophrénie guette les consommateurs au coin de la rue, quand ce n’est pas en plein boulevard ou au pied de la résidence – ces dealeurs sont si insolents.
Cela dit, c’est sûr que les divers gouvernements peuvent difficilement se prévaloir de leur réussite face au tabac et à l’alcool pour flanquer le cannabis dans le même sac défoncé. Donc certains inversent les arguments et refusent la légalisation au titre que si le tabac et l’alcool sont autorisés, c’est une erreur dont tout le monde voit les conséquences désastreuses et à ne surtout pas reproduire.
Mais pourquoi l’égalité fuit la légalité, argueront si j’ai bien compris les partisans de la dépénalisation, en objectant qu’au moins le cannabis ne massacre pas nos sols lorsqu’on ne demande qu’à cultiver candidement son balcon, quand ce n’est pas un simple pot dans sa chambre ?
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