Publié le 1er Septembre 2020 | Par Julien Rapegno avec AFP
145 euros à payer sur le champ, majorés à 200 euros voire 450 euros si les contrevenants tardent : la nouvelle amende forfaitaire délictuelle qui vise les consommateurs de cannabis, ou de cocaïne, a été généralisée à tout le territoire le mardi 1er septembre. Satisfaction côté policiers, tandis que magistrats et médecins déplorent l’absence de notion de lutte contre les addictions.
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin y voit « l’arme fatale », susceptible de « tuer tout trafic de drogue et toute consommation ».
En généralisant au 1er septembre l’amende forfaitaire délictuelle pour usage de drogues, le Premier ministre Jean Castex espère aussi lutter « contre les points de revente qui gangrènent les quartiers ».
Expérimentée depuis juin à Rennes, Reims, Créteil et depuis mi-juillet à Lille et Marseille, cette amende forfaitaire de 200 euros est donc entrée en vigueur sur tout le territoire national. Elles cible surtout les fumeurs de cannabis. Leur nombre est estimé à 5 millions en France.
Les consommateurs seront-ils dissuadés par cette sanction immédiate de 200 euros (minorée à 145 euros si payée sous quinze jours) qui se substitue à un arsenal répressif plus lourd mais rarement appliqué ?
Dix à quinze procès verbaux pour un consommateurs interpellé
Yves Lefebvre, secrétaire général du syndicat Unité SGP police-FO, en est convaincu : « La sanction qui frappe les consommateurs au volant a eu un effet sensible. L’amende forfaitaire dissuadera les consommateurs bien insérés, les fumeurs bobos qui consommaient en toute impunité ; qui craindront d’être verbalisés ». Si Yves Lefebvre ne se montre pas aussi optimiste que son ministre sur l’effet radical de la mesure, il estime que cela peut « infléchir une courbe de consommation perpétuellement ascensionnelle ».
Surtout, les policiers espèrent être soulagés « des dix à quinze procès-verbaux déclenchés par une simple interpellation de consommateur sans réponse pénale derrière ».
» On avait soit un simple rappel à la loi, soit une admonestation, soit une injonction de faire un stage de sensibilisation, sans suivi «
YVES LEFEBVRE (UNITÉ SGP POLICE-FO )
Les juges sont plus dubitatifs que les policiers.
Pour Jacky Coulon (Union syndicale des magistrats) : « Cette réforme occulte complètement la dimension sanitaire de lutte contre les addictions ».
Le Dr Bernard Basset, président de l’ANPAA (association nationale de prévention en alcoologie et addictologie), déplore que « l’amende automatique enlève toute possibilité de sortir de l’addiction comme l’offrait l’alternative pénale d’orientation vers les soins ».
Les mineurs ne sont pas ciblés par l’amende mais pourraient être « utilisés »
L’addictologue ne croit pas non plus à un effet sensible sur le trafic : « Les dealers s’adapteront et livreront à domicile ». Le magistrat Jacky Coulon voit même un effet pervers dans le fait que les mineurs ne sont pas ciblés par cette amende : « les majeurs les enverront acheter du cannabis et les récompenseront par un joint ».