Berne a donné son feu vert aux projets pilotes de plusieurs cantons. Le volet genevois est prévu pour 2022.
Depuis ce samedi, les projets pilotes de régulation du cannabis sont autorisés par la Confédération dans toute la Suisse. À l’instar d’autres cantons, Genève aura le sien d’ici à 2022, avec ses particularités. Interview du professeur Daniele Zullino, chef de service du Service d’addictologie au département de santé mentale et psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève.
Comment les usagers du projet pilote auront-ils accès au cannabis ?
L’ordonnance délivrée par le Conseil fédéral ne prévoit pas de mettre en place des projets autour de l’usage médical du cannabis mais plutôt de la consommation festive. Nous sommes en train de redéfinir notre protocole, donc rien n’est acté définitivement. Mais on ne se dirigera pas vers des «cannabis social club» comme en Espagne, ou des produits venus en pharmacie, comme à Bâle. Il ne sera pas non plus question de consommer sur place. Nous proposerons probablement un modèle associatif, avec des membres enregistrés.
« L’idée est d’apporter des réponses pour d’éventuelles adaptations de la loi sur les stupéfiants, en testant différents modèles selon les villes, le tout étant coordonné par un groupe de travail scientifique. »
Qui aura accès à ce programme ?
Là aussi, ce n’est pas encore défini précisément. On sait que les mineurs n’en feront pas partie. Mais on parle de plusieurs centaines de participants, pas quelques dizaines seulement. L’idée est d’apporter des réponses pour d’éventuelles adaptations de la loi sur les stupéfiants, en testant différents modèles selon les villes, le tout étant coordonné par un groupe de travail scientifique. Il faut donc une masse critique pour récolter des données.
Des chiffres sur le marché noir, par exemple ?
Oui, mais pas seulement. L’idée est aussi d’améliorer la qualité de la drogue qu’on y trouve. On constate fréquemment des produits avec un taux de THC trop élevé, qui peut causer des troubles psychotiques et cognitifs, et un taux de CBD trop bas. Il faut un bon équilibre. Cela nous permettra de contrôler les additifs présents, comme le cannabis de synthèse, qui présente un véritable danger pour la santé des consommateurs. C’est un phénomène qui se répand en Europe, et qui ne tardera pas à arriver chez nous, dans les institutions de soin.
« La régulation n’empire pas la situation. »
N’y a-t-il pas un risque d’encourager la consommation ?
Nous commençons à avoir du recul sur ce qui a été fait dans différentes villes et pays, notamment dans certains États américains comme le Colorado. Chez les adultes, on constate une augmentation de la consommation la première demi-année, aussi car les personnes s’annoncent plus facilement et que d’autres immigrent dans le pays concerné pour pouvoir consommer. Puis on voit une stagnation. Il y a aussi une diminution chez les jeunes. Peut-être est-ce l’attrait du fruit défendu qui disparaît… Ce que l’on sait, c’est que la régulation n’empire pas la situation.
Quid des nouveaux consommateurs ?
Il y a une augmentation des intoxications qui finissent aux urgences, chez les non-usagers qui essaient la première fois le cannabis. Mais celle-ci disparaît peu après. Les infractions routières liées au cannabis augmentent chez les adultes, mais celles sous l’effet l’alcool, elles, diminuent.
« Avec les produits addictifs, la prohibition ne marche pas, en effet. Il faut donc plutôt réduire les risques de consommation. »
L’interdiction n’a donc pas d’effet ?
Avec les produits addictifs, la prohibition ne marche pas, en effet. Il faut donc plutôt réduire les risques de consommation. C’est ce que nous comptons faire en utilisant de bons produits, traçables du champ jusqu’au lieu de consommation, si possible cultivés à Genève, où il y a déjà des fournisseurs qui peuvent garantir la qualité requise…
Quand le programme genevois sera-t-il prêt ?
Des cantons comme Zurich et Bâle sont beaucoup plus avancés. Nous allons y travailler toute cette année. Un projet pilote pourrait voir le jour l’an prochain.
Source : 24heures.ch