Introduction
Le cannabis récréatif, légalisé au Canada depuis le 17 octobre 2018, suscite des préoccupations majeures pour le système de santé. Ses effets multiples et souvent néfastes ont été documentés par de nombreuses études (Hall, 2017; Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, 2018; George et Vaccarino, 2015). Parmi les risques associés à la consommation de cannabis, le syndrome d’hyperémèse cannabinoïde (SHC) émerge comme un problème de santé de plus en plus fréquent chez les adultes consommateurs réguliers. Cependant, il reste peu connu des professionnels de la santé, ce qui entraîne un sous-diagnostic de cette condition (Desjardins, Jamoulle, Taddeo et Stheneur, 2015).
Cet article examine en détail le SHC, ses manifestations, son étiologie et les approches de traitement. Il vise à sensibiliser les professionnels de la santé et le grand public à cette condition méconnue.
Le Syndrome d’Hyperémèse Cannabinoïde (SHC) : un aperçu
Le SHC est un trouble médical caractérisé par des nausées sévères, des vomissements récurrents et des douleurs abdominales, principalement chez les consommateurs chroniques de cannabis. Il est important de noter que ce syndrome ne se manifeste généralement qu’après plusieurs années de consommation régulière de cannabis, sans symptômes antérieurs (Sullivan, 2010; Allen, de Moore, Oeddle et Twartz, 2004). Le diagnostic peut prendre jusqu’à dix ans, impliquant souvent des années d’examens médicaux et de consultations spécialisées (Bluementrath, Dohrmann et Ewald, 2017).
Manifestations du SHC
Le SHC se développe le plus souvent chez des individus âgés de moins de 50 ans qui consomment du cannabis de manière chronique, c’est-à-dire plus de quatre fois par semaine, depuis plusieurs années. Il se décline en trois phases distinctes :
- Phase Prodromale : Elle peut durer de quelques mois à plusieurs années et se caractérise par des nausées matinales légères à modérées, un inconfort abdominal épigastrique ou périombilical léger ou modéré.
- Phase Active (Hyperémèse) : Les symptômes les plus sévères surviennent dans cette phase, tels que des nausées récurrentes, des vomissements modérés à sévères, des diarrhées, une perte de poids due aux nausées et aux vomissements, des douleurs abdominales ou lombaires modérées à sévères. Les patients recherchent le soulagement en prenant des bains ou des douches très chauds, car les antiémétiques traditionnels se révèlent inefficaces.
- Phase de Rétablissement : L’arrêt de la consommation de cannabis est le seul traitement connu pour mettre fin aux symptômes du SHC. Cette phase survient généralement une à trois semaines après l’arrêt de la consommation.
Étiologie du SHC
L’étiologie exacte du SHC reste incertaine, bien que plusieurs hypothèses aient été avancées. L’une d’entre elles suggère que l’accumulation du tétrahydrocannabinol (THC), le principal composé actif du cannabis, dans les graisses corporelles peut provoquer une toxicité chez les consommateurs chroniques, déclenchant ainsi le SHC (Iacopetti et al., 2014; Toennes, Ramaekers, Theunissen, Moeller et Kauert, 2008). Une autre hypothèse s’intéresse aux récepteurs du système endocannabinoïde, en particulier les récepteurs CB1 et CB2, qui semblent influencer la motilité intestinale et les processus de régulation de la température corporelle (Ghouri et al., 2015; Patterson et al., 2010).
Traitement du SHC
Le traitement du SHC se concentre principalement sur la cessation de la consommation de cannabis. Cependant, certaines études de cas suggèrent que des médicaments tels que le lorazépam, l’halopéridol et la capsaïcine peuvent être utilisés pour soulager les symptômes du SHC, en particulier pendant la phase active (Sun et al., 2013; Ghouri et al., 2015). Il est essentiel de prévenir la déshydratation pendant cette phase critique.
Conclusion
La légalisation du cannabis au Canada a soulevé des préoccupations quant à l’augmentation potentielle des cas de SHC chez les consommateurs réguliers. Il est essentiel que les professionnels de la santé, notamment les infirmières et les infirmiers, soient sensibilisés à ce syndrome méconnu afin de poser un diagnostic précoce. La cessation de la consommation de cannabis reste le seul traitement efficace. En fin de compte, la prévention et la sensibilisation sont essentielles pour minimiser l’impact du SHC sur la santé publique.
En savoir davantage sur le SHC
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Références
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