Patrouille de gendarmerie dans le quartier du Mistral, à Grenoble, le 26 août. Photo Philippe Desmazes. AFP
Publié le 28 Août 2020 | Par Thibaut Ghironi
Après l’intervention massive de la police après la diffusion d’une vidéo de trafiquants lourdement armés au quartier Mistral de Grenoble mercredi, le maire de la ville et le ministre de l’Intérieur se sont livrés à un affrontement par médias et tweets interposés.
Entre le maire écolo de Grenoble Eric Piolle et le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, une guerre de communication s’est déclarée. A l’origine des débats, une vidéo diffusée sur Snapchat mercredi, vite devenue virale, où l’on voit un point de deal du quartier Mistral à Grenoble, tenu par des hommes encagoulés armés de fusils d’assaut. Fuite volontaire des images, armes factices ou non, tournage d’un clip de rap ? Une enquête est menée par le parquet de Grenoble pour déterminer les tenants et les aboutissants de l’affaire. Qu’importe, les images tournent sur les réseaux sociaux et déjà Gérald Darmanin passe à l’offensive. Mercredi soir, le ministre de l’Intérieur annonce sur Twitter qu’à sa demande une «opération de police est en cours» sur place. Et affirme que «l’Etat s’imposera face à l’ensauvagement d’une minorité de la société», usant de son vocabulaire fétiche.
Sur mon instruction directe, une opération de police est en cours dans le Mistral, à #Grenoble. Merci aux effectifs mobilisés pour imposer l’ordre républicain, le seul qui protège.Aucun doute ne doit subsister: l’Etat s’imposera face à l’ensauvagement d’une minorité de la société
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) August 26, 2020
Bilan de l’opération : 50 consommateurs de drogue contrôlés et deux scooters saisis, selon la préfecture de l’Isère. Mais aucune interpellation. Ce qui n’a pas manqué de faire réagir le maire de Grenoble le jeudi, au micro de France Bleu Isère, assurant avoir demandé des renforts en effectifs policiers à l’Etat «parce que nous savions que le confinement allait créer des tensions». Eric Piolle indique ensuite que sa demande est restée lettre morte, mais déplore «cette opération de communication. Une demi-heure, pas d’arrestation : c’est vraiment de la com».
Depuis mars, les 3 plus grandes villes de l’Isère demandent un renfort de policiers à l’Etat: nous avions anticipé que le déconfinement exacerberait les tensions. A ce jour, toujours aucune réponse du @gouvernementFR… Répondre aux dealers c’est bien, répondre aux maires aussi. https://t.co/RpfPFsDnjo
— Éric Piolle (@EricPiolle) August 27, 2020
«Discours angélique»
La réponse du ministère de l’Intérieur n’a pas tardé. Gérald Darmanin a rendu public un courrier daté de ce vendredi au ton accusateur : «Enfin, le quartier Mistral, malgré le manque d’implication de la ville dans le domaine de la sécurité, fait l’objet d’une attention particulière et constante de la police nationale. L’excuse sociale ne peut pas tout excuser. Nos compatriotes n’attendent pas de nous des discours angéliques mais une intervention résolue pour restaurer l’autorité de l’Etat.» En réponse à la demande de renforts policiers, le courrier détaille que la Circonsciption de sécurité publique (CSP) grenobloise est passée de 434 à 488 gardiens de la paix entre le 31 décembre 2015 et aujourd’hui. Soit 54 policiers supplémentaires.
Face à la délinquance, tous les acteurs doivent prendre leurs responsabilités. Nos compatriotes n’attendent pas de nous des discours angéliques mais une intervention résolue pour restaurer l’autorité de l’Etat.
Mon courrier de réponse à Eric Piolle, maire de #Grenoble. 📄⤵️ pic.twitter.com/0tXBTZinrz— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) August 28, 2020
Quelques lignes plus bas, Gérald Darmanin n’hésite pas à comparer Nice, qui compte 550 policiers municipaux pour 340 000 habitants, soit un agent pour 618 habitants, à Grenoble, qui recense 100 policiers municipaux pour 160 000 habitants, soit un ratio d’un agent pour 1 580 habitants. Notons que la ville du LR Christian Estrosi compte la deuxième police municipale la plus fournie de France en 2019 derrière Marseille, d’après des chiffres du ministère de l’Intérieur. La stratégie de Gérald Darmanin est claire : dénoncer une gestion de la ville qu’il estime trop laxiste de la part de l’édile écologiste.
Mélenchon en renfort
Ce vendredi, Jean-Luc Mélenchon a pris la défense du maire de Grenoble. Estimant que «c’est à la police nationale d’agir contre le trafic de drogue», le chef de file de La France insoumise (LFI) s’est posé en soutien d’Eric Piolle, après s’être affiché à ses côtés aux amphis d’été de LFI dans la Drôme le 21 août.
.@GDarmanin, c’est à la police nationale d’agir contre le trafic de drogue. Stigmatiser toute une population n’est pas une attitude républicaine. On veut une police efficace. Pas un règlement de compte politicien. Soutien à @EricPiolle et @ElisaMartinGre. https://t.co/6vHwUAAPmK
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) August 28, 2020
Si les deux camps politiques jouent leur partition, pas sûr qu’un gagnant se dégagera au moment de compter les points.