Un véritable arsenal a été retrouvé dans une cache d’armes liée à des grossistes de Seine-Saint-Denis et huit personnes ont été mises en examen vendredi 5 février pour trafic de stupéfiants, d’armes, et association de malfaiteurs.
Par Simon Piel
Publié le 08 février 2021
Huit fusils d’assaut, un fusil de précision, plusieurs pistolets-mitrailleurs, des armes de poing, des cartouches par centaines, 7 kg de drogue (cannabis et cocaïne), 600 grammes de TNT, de la pentrite et des systèmes de mise à feu. C’est l’arsenal retrouvé la semaine dernière dans un pavillon de Limeil-Brévannes (Val-de-Marne) par les enquêteurs de la police judiciaire lors d’une opération coordonnée par l’office anti-stupéfiants (Ofast) dans le cadre d’une information judiciaire ouverte en avril 2019 pour trafic de stupéfiants. Des armes acquises récemment, mais dont on ne sait à ce stade si elles étaient destinées à la revente ou, pour leurs actuels propriétaires, à la défense ou la reprise de certains points de « deal » de Seine-Saint-Denis.
La police suppose en effet que cette cache d’armes est liée aux frères Ider, dont l’un d’eux, Samir, âgé aujourd’hui de 42 ans et interpellé au cours de la même opération, est présenté comme l’un des principaux grossistes de cocaïne et de cannabis en Seine-Saint-Denis, notamment à Saint-Ouen, où il résidait. Condamné en septembre 2011 à vingt ans de prison et 2 700 000 euros d’amende douanière par la cour d’appel de Paris dans une précédente affaire de trafic de cocaïne entre le Brésil, Fort-de-France (Martinique) et le territoire métropolitain, il était sorti de détention en 2019 avec obligation de porter un bracelet électronique.
Son frère Lyes, ainsi que deux hommes soupçonnés de s’approvisionner auprès d’eux pour alimenter des points de deal à Bobigny, ont aussi été interpellés. D’autres armes ont par ailleurs été retrouvées dans une Twingo garée dans un box, mais aussi aux domiciles des frères Ider. Sur les dix personnes interpellées, huit ont été mises en examen vendredi pour « trafic de stupéfiants en état de récidive légale », « trafic d’armes » et « association de malfaiteurs » et six d’entre elles placées en détention provisoire.
Regain de tensions entre points de deal
Sans surprise, les uns comme les autres se sont révélés peu bavards au cours de leur garde à vue et ont contesté les faits. Si la découverte d’une telle quantité d’explosifs a suscité de nombreuses interrogations, et comme l’a souligné dans Le Journal du dimanche l’actuelle chef de l’Ofast, Stéphanie Cherbonnier, « on ne peut pas exclure totalement la piste terroriste », aucun élément ne permet aujourd’hui de rattacher les personnes interpellées à des groupes radicaux.
Cette opération de l’Ofast intervient alors qu’à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), déjà gangrenée par le trafic de stupéfiants depuis de nombreuses années, un regain de tension entre les différentes équipes à la tête du trafic depuis l’été 2019 se traduit par une série de règlements de comptes.
Il n’y aurait toutefois pas de lien établi à ce stade entre les frères Ider et les dernières fusillades qui ont ensanglanté la ville
Il n’y aurait toutefois pas de lien établi à ce stade entre les frères Ider et les dernières fusillades qui ont ensanglanté la ville, qui opposeraient des équipes plus jeunes. Le 3 janvier, un jeune homme de 26 ans avait été battu à mort à la cité Cordon. Plus tôt, en septembre 2020, deux jeunes hommes avaient été retrouvés morts par balles dans une cave de la cité Soubise. L’année précédente, l’un des chefs du point de deal de la cité Charles-Schmidt, surnommé « Cyborg », en guerre avec ceux de la bien nommée cité des Boute-en-train, avait été assassiné à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). A titre d’exemple, le point de deal de la cité des Boute-en-train réaliserait, de source policière, un chiffre d’affaires annuel de plus de 10 millions d’euros, suscitant, comme d’autres, concurrence et appétits.
Fin janvier, une importante opération de police menée par le commissariat local et le groupe interministériel de recherche du 93, s’inscrivant dans la volonté affichée du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, de s’attaquer aux points de deal, avait abouti au démantèlement de l’un d’entre eux, situé avenue Michelet, au numéro 86. Vingt-deux personnes avaient été interpellées et cinq d’entre elles placées en détention provisoire.
Avec plus de 188 000 personnes mises en cause en 2019 et près de 3,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuels estimé, le trafic de stupéfiants constitue l’une des préoccupations majeures des services répressifs tant il apparaît aujourd’hui comme une « infraction mère ». Dans la dernière édition de son rapport, le service d’information, de renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée notait que « tous les indicateurs (hausse de l’offre et de la consommation notamment) montrent une massification du trafic ».
Simon Piel
Source : Lemonde.fr