Rapporteur général de la mission d’information sur le cannabis, il est devenu partisan de sa légalisation.
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« La légalisation ce n’est pas tout et n’importe quoi, c’est du vrai courage politique », a estimé Jean-Baptiste Moreau, député LREM de la Creuse et rapporteur général de la mission d’information parlementaire sur le cannabis, jeudi 2 septembre sur franceinfo. Il réagissait aux annonces du président de la République, Emmanuel Macron, qui propose de déployer des policiers supplémentaires et 500 caméras de vidéosurveillance pour lutter contre les trafics de drogue dans les quartiers nord de la ville. « Les forces de l’ordre sont découragées parce qu’elles ont l’impression de vider le désert à la petite cuillère », a-t-il poursuivi, persuadé qu’on « n’assèchera pas les financements des [trafiquants] uniquement par la répression ». Selon Jean-Baptiste Moreau, « c’est la prohibition qui a conduit à cette situation ». Pour l’élu En Marche, « il n’est pas question de dire que la drogue c’est cool, c’est bien » mais d’encadrer la légalisation du cannabis et de l’interdire aux mineurs.
franceinfo : La position qu’adopte Emmanuel Macron en disant que le consommateur de drogue est un complice, est-ce la bonne attitude ?
Le but ne peut être que de diminuer la consommation, notamment la consommation chez les mineurs qui n’a jamais été aussi importante, alors qu’on sait bien que le cannabis sur des cerveaux en formation a des effets catastrophiques à l’âge adulte. C’est important aussi de mettre un frein à la mainmise sur certains quartiers de bandes organisées qui vivent de ce trafic de drogue. Mais, c’est la situation de prohibition qui a conduit à cette situation.
« Aujourd’hui, on a 1 million de Français qui avouent fumer quotidiennement un joint donc mettre plus de forces de l’ordre, pourquoi pas, mais si on continue à courir après tout le monde on n’y arrivera pas. »
Jean-Baptiste Moreau, député LREM de la Creuseà franceinfo
On n’y arrive pas depuis 30 ans.
Vous plaidez pour une légalisation « encadrée de la légalisation » ?
La légalisation ce n’est pas tout et n’importe quoi, c’est du vrai courage politique. Cela veut dire que cela reste interdit aux mineurs puisque cela a des effets catastrophiques sur la santé. Il n’est pas question de dire que la drogue c’est cool, c’est bien. Ce qu’on dit c’est qu’il faut l’interdire aux mineurs. Évidemment, ça ne se fera pas sans un certain désordre dans les quartiers puisque les têtes de pont des trafics vont se rebeller parce qu’on leur coupe une grosse partie de leur chiffre d’affaires. Et on n’est pas non plus naïf, cela ne détruira pas tout le marché noir. Il restera sans doute autour de 40 %.
« Mais si on met les mêmes moyens au niveau des forces de l’ordre pour lutter contre ces 40 % au lieu de lutter contre les 100 %, ce sera plus efficace. »
Jean-Baptiste Moreauà franceinfo
Les forces de l’ordre sont découragées parce qu’elles ont l’impression de vider le désert à la petite cuillère donc il faut changer de paradigme.
Votre positon se heurte à celle du gouvernement, que lui répondez-vous ?
Je n’étais pas un pro légalisation au départ mais toutes les auditions qu’on a menées, que ce soit les docteurs, les addictologues, les forces de l’ordre, nous ont amenés à la conclusion que le tout répressif sans une vraie politique de prévention, ça ne marchera pas. Alors évidemment que la drogue c’est de la merde, je ne vais pas dire le contraire.
« Le tout prohibitif sans un État qui joue un rôle régulateur, ça ne marche pas ».
Jean-Baptiste Moreauà franceinfo
Ça n’a jamais marché et ça ne marche nulle part ailleurs dans le monde.
Peut-on faire changer d’avis un gouvernement dont les positions sont claires ?
Je continuerai à œuvrer pour convaincre le président et l’exécutif car il faut pouvoir contrôler le marché, les prix et les compositions des produits, parce qu’il y a des produits qui circulent dans le marché noir qui sont absolument catastrophiques avec des taux de THC [le tétrahydrocannabinol, principale molécule du cannabis] très importants qui ruinent le cerveau des consommateurs. La production doit être encadrée comme a pu l’être le tabac pendant de nombreuses années. Il faut que l’État contrôle la qualité des produits qui circulent. Les réseaux financent du trafic d’armes, du terrorisme, et c’est pour cela qu’il faut assécher une partie de leurs financements mais je ne crois pas qu’on assèchera leurs financements uniquement par la répression.