Les récents articles relatant une baisse spectaculaire des homicides liés au trafic de stupéfiants à Marseille en 2024 et une augmentation dramatique en Seine-Saint-Denis révèlent les contradictions flagrantes et les limites évidentes de la politique prohibitionniste actuelle. En décryptant ces événements, le CIRC entend démontrer que cette situation n’est rien d’autre que le symptôme d’une politique des drogues par essence criminogène.
Marseille : Une baisse qui cache une persistance du trafic
En 2024, Marseille a enregistré une diminution notable des homicides liés au trafic de stupéfiants : 24 morts, contre 49 l’année précédente. Cependant, présenter cela comme une victoire est une illusion. Selon les autorités, cette baisse serait due à la fin d’une guerre sanglante entre deux clans — la DZ mafia et le clan Yoda — ainsi qu’à une mobilisation policière et judiciaire renforcée.
Mais qu’en est-il réellement ? La victoire de la DZ mafia n’a pas mis fin au trafic : elle a simplement stabilisé les réseaux. Les points de deal sont certes moins visibles en bas des tours, mais le trafic se déporte, notamment via des systèmes de livraison comme le tristement célèbre « ubershit ». Quant à l’augmentation des femmes et des mineurs impliqués dans ces réseaux, elle met en lumière une stratégie d’exploitation toujours plus perverse de populations vulnérables.
Seine-Saint-Denis : Une hausse tragique et prévisible
Pendant que Marseille enregistrait une baisse des homicides, la Seine-Saint-Denis voyait leur nombre tripler, passant de 4 en 2023 à 15 en 2024. Ce territoire, structurellement fragilisé par l’économie souterraine, est en proie à une violence décomplexée, exacerbée par la prolifération d’armes de guerre et une concurrence acharnée pour le contrôle des marchés locaux.
Les drames humains, tels que l’assassinat d’innocents ou encore l’usage d’armes lourdes en pleine rue, sont directement liés à une prohibition qui favorise la structuration de véritables cartels locaux. Lorsque le procureur dénonce « l’économie souterraine [qui] ruine le pacte républicain », il omet de préciser que cette économie souterraine prospère uniquement parce que les drogues sont illégales.
Une politique criminogène par essence
Le langage employé dans ces articles est révélateur de la manière dont les institutions et les médias perpétuent les mythes de la prohibition. Des termes tels que « narcobanditisme », « narcohomicides » ou « narcotourisme » ne sont pas anodins : ils constituent des constructions sémantiques empruntées sans vergogne à l’extrême-droite, dont l’objectif est double. D’une part, ils servent à déshumaniser les acteurs du trafic, les réduisant à des caricatures effrayantes pour éviter toute remise en question des structures qui alimentent ces phénomènes. D’autre part, ce langage agit comme un épouvantail, destiné à attiser les peurs dans la population et à justifier une répression accrue, au lieu d’encourager des solutions pragmatiques et humaines.
Le CIRC, quant à lui, préfère appeler les choses par leur nom : homicides liés au trafic de stupéfiants, trafic de stupéfiants, exploitation humaine…
La prohibition n’est pas simplement un échec opérationnel — un argument pratique souvent utilisé par ses partisans pour réclamer encore plus de répression. Elle est, en réalité, une aberration : irrationnelle, immorale et intrinsèquement criminogène. Par son essence même, elle crée les marchés qu’elle prétend éradiquer, alimente une violence systémique, et perpétue un cycle destructeur qui n’aurait pas lieu d’être dans un cadre de légalisation.
Une responsabilité politique et institutionnelle accablante
Les institutions, qu’elles soient politiques, judiciaires ou policières, portent une responsabilité directe dans cette situation. En refusant de remettre en question une politique fondée sur la prohibition, elles se rendent complices des conséquences meurtrières de cette dernière. Le statu quo, qui consiste à ne rien changer, revient à entériner une réalité où les morts s’accumulent, où les jeunes sont exploités, et où les réseaux criminels prospèrent.
Une voie unique : la légalisation
Depuis 1991, le CIRC milite pour une nouvelle politique des drogues, fondée sur les droits humains, la santé publique et la sécurité collective. La légalisation du cannabis est la seule issue rationnelle. Elle permettrait de réguler les marchés, de protéger les populations vulnérables, et de démanteler les réseaux criminels en leur retirant leur principale source de revenus.
Refuser cette réforme, c’est perpétuer un système défaillant et complice. Nous appelons donc à une mobilisation citoyenne et politique pour mettre fin à l’aberration de la prohibition et construire une politique des drogues éthique et pragmatique.
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