La décision annoncée ce jeudi 19 décembre de prolonger de six mois l’expérimentation française du cannabis à usage thérapeutique illustre une fois de plus la défaillance de nos institutions face à un enjeu majeur de santé publique. Si cette mesure permet temporairement à plus de 1 800 patients de continuer à accéder à leurs traitements, elle ne résout en rien les problèmes fondamentaux liés à l’absence de volonté politique pour intégrer le cannabis médical dans le droit commun. –>> Lire l’article de Libération
Le sursis, un faux répit
Cette prolongation est présentée comme une mesure visant à permettre « en douceur » le sevrage des patients. Cette rhétorique souligne l’absurdité du traitement réservé au cannabis thérapeutique : alors que ses effets positifs sur la douleur chronique et la qualité de vie des patients ont été établis, il est considéré comme un médicament dont il faut préparer l’abandon. En revanche, les opioïdes, malgré leur potentiel addictif et leurs effets secondaires graves, restent largement disponibles.
Pour des patients comme Amélie, souffrant de syringomyélie, ou Sandra, atteinte de névralgie, le cannabis représente bien plus qu’un traitement. C’est une planche de salut qui leur permet de retrouver un semblant de vie normale. La décision de priver ces personnes de leur médicament, ou même la menace d’une telle privation, relève d’une cruauté institutionnelle insupportable.
Une expérimentation bloquée par l’immobilisme
En France, la trajectoire du cannabis médical est jalonnée de promesses non tenues et de blocages administratifs. Alors que 22 pays de l’Union européenne ont légalisé son usage à des fins médicales, la France continue de traiter le sujet avec une lenteur et un manque de vision qui frisent l’irresponsabilité. Les conclusions positives de l’expérimentation, publiées par la Direction générale de la santé en novembre 2023, sont restées lettre morte. Aucune disposition n’a été prise pour généraliser l’accès au cannabis médical.
La dissolution de l’Assemblée nationale en juin et la chute du gouvernement Barnier en décembre 2024 ont certes contribué à l’absence désastreuse d’évolutions législatives. Mais ces événements ne sauraient être les seuls responsables. Le problème est structurel : un manque de courage politique et une influence disproportionnée d’instances comme la MILDECA, qui continue de traiter le cannabis médical comme une menace plutôt qu’une solution.
Une logique d’inhumanité
Nicolas Authier, président du comité d’experts sur le cannabis médical, a raison de pointer du doigt l’inhumanité de l’approche française. Le récit des patients met en lumière une souffrance à laquelle l’État répond par l’indifférence et le dogmatisme. Refuser aux patients un accès pérenne à un traitement efficace sous prétexte de prévenir un hypothétique usage récréatif est une logique aussi absurde qu’inhumaine.
Le 18 décembre 2024, Nicolas Authier a publié une lettre ouverte à François Bayrou, Premier ministre, sur les réseaux sociaux. Il y dénonce l’abandon des patients et appelle à un sursaut politique. Extrait :
Cette prise de position publique reflète le désarroi d’un expert face à l’immobilisme des autorités.
Le rôle trouble des ministres de l’Intérieur
Par ailleurs, on peut s’interroger sur la place des ministres de l’Intérieur dans ce débat, qui devrait être du ressort exclusif du domaine médical. Leur ingérence systématique alourdit les décisions et détourne le sujet vers des considérations sécuritaires, au détriment des patients. Que font-ils dans des discussions qui relèvent avant tout de la santé publique ? Cette confusion des rôles est symptomatique de la gestion chaotique et idéologique du cannabis médical en France.
Le réveil nécessaire de la société civile
Face à cet immobilisme, le rôle des associations, des professionnels de santé et des citoyens devient crucial. Nous devons exiger une légalisation pleine et entière du cannabis médical. Ce combat ne concerne pas uniquement les patients directement touchés. Il s’agit d’une question de dignité, de justice et de respect des droits humains.
Au CIRC, nous refusons de rester spectateurs de cette situation. Il est temps de mettre fin à l’absurdité et à l’inhumanité qui caractérisent la gestion du cannabis médical en France. Ensemble, nous devons mobiliser pour faire pression sur nos dirigeants, afin que cesse enfin cette politique de soumission à l’absurde.
Lire aussi la tribune d’un collectif publiée le 19 décembre dans le journal Libération
Tribune relayée par Santé France Cannabis dans le post ci-dessous :
Note du CIRC :
Ah, le fameux « contexte politique », ce bouc émissaire universel, aussi insaisissable qu’une fumée épaisse, mais tellement pratique pour diluer les responsabilités ! Présenté de cette manière, on pourrait presque croire que les retards dans l’intégration du cannabis médical au droit commun sont le fruit d’un implacable coup du sort, un événement imprévisible comme une éclipse ou une invasion extraterrestre.
Mais ne soyons pas dupes : ce « contexte politique », ce n’est rien d’autre que le camouflage d’une réalité bien plus terre à terre et déplorable. Ce n’est pas l’état du monde qui bloque ces arrêtés ; c’est l’absence flagrante de conviction, de courage, et de volonté politique.
Depuis le lancement de l’expérimentation en 2021, qu’a-t-on vu ? Des promesses, des effets d’annonce, et puis… plus rien. Trois ans plus tard, alors que la fin de l’année approche à grands pas, on apprend que les arrêtés nécessaires n’ont jamais été publiés. Pourquoi ? Non pas à cause d’une soudaine tempête politique, mais parce qu’il est tellement plus confortable de procrastiner sur les sujets sensibles, surtout quand il s’agit de cannabis, ce mot qui semble encore déclencher des sueurs froides dans certains cercles de pouvoir.
Et pendant ce temps, plus de 1 000 patients, pour qui le cannabis médical est un traitement vital, risquent de se retrouver abandonnés, sacrifiés sur l’autel de l’immobilisme. Mais rassurez-vous, ce n’est pas la faute de nos décideurs, oh non. Ce serait bien trop dérangeant de reconnaître qu’on préfère éviter un sujet jugé « politiquement risqué », au détriment des malades.
Soyons honnêtes : cette inertie, cet échec à traduire les besoins des patients en actes législatifs concrets, c’est une insulte aux droits des malades. Plutôt que d’admettre qu’on piétine leur dignité, on préfère détourner le regard, pointer du doigt ce « contexte politique » fantomatique et espérer que tout le monde passera à autre chose.
Mais le cynisme ultime, c’est de savoir qu’à force de repousser l’inévitable, ce sujet finira bien par être traité… quand il sera trop tard pour les premiers concernés. Alors, à Santé France Cannabis, un conseil : remplacez « contexte politique » par « lâcheté institutionnalisée ». Ce sera plus honnête.
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