Selon une étude de l’Université de British Columbia (UBC), les conducteurs/trices présentant de faibles niveaux de THC dans le sang ne présenteraient pas de risque plus élevé d’avoir un accident que les abstinent.e.s. L’auteur principal de cette étude sur cinq ans souligne que la loi canadienne, qui pénalise actuellement le fait de conduire avec plus de 2ng/ml de THC dans le sang, pourrait être abusive.
Les chercheurs de l’UBC sont arrivés à la conclusion que les lois réglementant le taux de THC résiduel maximum pour la conduite de véhicules seraient bien trop strictes, car les lois canadiennes de sécurité routière pénalisent actuellement les conducteurs surpris avec 2 à 5 nanogrammes / millilitre dans le sang en leur infligeant des amendes.
Cette étude publiée dans le journal Addiction a démontré que les niveaux de THC trouvés dans le sang, s’ils restent en dessous de 5 nanogrammes/ml, ne constituaient pas un facteur d’accroissement du risque d’accident chez la plupart des conducteurs.
Le Dr. Jeffrey Brubacher, professeur associé aux département des urgences de l’UBC et chercheur au Vancouver Coastal Health Research Institute, déclare qu’il recommande un changement des lois fédérales au Canada, afin que les conducteurs/trices ayant moins que 5ng/ml dans leur sang ne soient plus inquiétés pour ce seul motif.
« Actuellement je penche dans cette direction sur la base de cette étude et à cause du fait que les usagers réguliers ont constamment des traces de THC dans leur sang. A titre d’exemple, un patient soigné au cannabis médical devient automatiquement inapte à conduire avec les anciennes normes [encore en vigueur]. »
Dans les minutes qui suivent l’inhalation de la fumée d’un joint, les taux de THC sanguins montent assez haut, autour des 100ng/ml, pour ensuite redescendre très rapidement. « Après quatre heures il ne resterait plus qu’un taux de 2ng/ml ».
Chez une personne qui consommerait du cannabis tous les jours, le THC s’accumule dans les graisses du corps pour ensuite être lentement relâché dans le sang, ajoute-t-il. « Ces gens peuvent présenter de forts taux de THC des jours ou même des semaines après leur dernier usage, alors c’est compliqué… car ils pourraient bien ne pas souffrir d’inaptitude à la conduite »
Les chercheurs de cette étude ont analysé les prélèvements sanguins de 3’005 conducteurs, soignés dans sept centres de traumatologie en Colombie Britannique entre janvier 2010 et juillet 2016. L’analyse finale incluait les rapports de police existant pour 2’318 de ces cas ainsi que les 1’178 conducteurs reconnus fautifs de leur accident.
« Nous avons étudié les blessés qui sont arrivés après un accident, qui ont été soignés à l’hôpital et auxquels des analyses sanguines ont été faites. Nous avons recherché les niveaux de THC, d’alcool et de 87 autres substances, allant de la cocaïne aux méthamphétamines en passant par une longue liste de médicaments. Puis nous avons analysé les rapports de police, pour déterminer quel était le conducteur fautif. Ce que nous avons trouvé est intéressant. Nous avons pu démontrer que de faibles taux de THC ne causent aucun sur-risque accidentogène ».
Il a aussi été noté que, malgré un sur-risque d’accident plus conséquent dès cinq nanogrammes par ml, seuls 20 des 1’825 échantillons sanguins contenaient du THC dépassant cette limite. « J’étais surpris de voir si peu de personnes avec de hauts niveau de THC… Je pensais qu’il y en aurait davantage surtout à Vancouver et je m’attendais à un sur-risque plus élevé, par conséquent le résultat a été une surprise ».
En comparaison, l’étude a révélé que les conducteurs qui avaient un taux d’alcool de 0.08gr avaient 6 fois plus de risques d’être impliqués dans un accident. Ce qui fait dire au Dr Brubacher : « Je pense que les gens sont en train de réaliser que le sur-risque attribué à la consommation de cannabis, au niveau de la sécurité routière, pourrait être bien moins élevé qu’escompté ».
« Nous devons être prudents. Il est certain que conduire sous emprise est vraiment une très mauvaise idée », dit-il encore. En tant qu’urgentiste à l’Hôpital Général de Vancouver et chercheur, le Dr Brubacher déclare encore que l’alcool demeure le plus gros problème de sécurité routière. Les drogues comme la cocaïne, les amphétamines et l’héroïne ont également significativement accru le risque d’accident, ainsi que les médicaments comme les antihistaminiques et les benzodiazépines.
Cette étude incluait les chercheurs de l’Université de Victoria, l’Université de Dalhousie, l’Université de Toronto et le Centre de Toxicologie de Colombie Britannique. Elle a été financée par le Canadian Institutes of Health Research, selon le communiqué de presse de l’UBC.
Sources : RESPAAD