L’article publié dans Le Monde met en lumière une réalité alarmante : l’ampleur et la violence des trafics de stupéfiants atteignent en France un « point critique ». Pourtant, ce constat d’urgence pose une question fondamentale : pourquoi la prohibition, après des décennies d’échecs, continue-t-elle à être présentée comme une solution, alors qu’elle alimente précisément le problème qu’elle prétend résoudre ?
Une situation critique, conséquence directe de la prohibition
Les chiffres évoqués dans cet article sont glaçants : multiplication des règlements de comptes, banalisation de la violence extrême, enrichissement sans précédent des barons de la drogue. Cependant, la racine de ce chaos est systématiquement éludée dans les discours politiques : la criminalisation du cannabis et d’autres substances psychoactives constitue le socle même de l’économie souterraine qui gangrène notre société.
Le ministre de l’Intérieur parle de « narco-enclaves » et de « narco-racailles », mais il omet de souligner que ce marché clandestin existe uniquement parce que l’État refuse d’encadrer légalement la production, la distribution et la consommation de ces substances. À travers cette prohibition, il laisse le monopole des drogues aux organisations criminelles. Ces dernières prospèrent, recrutent parmi les jeunes les plus vulnérables et instaurent leur propre loi, souvent au prix du sang.
Des profits colossaux, une répression inefficace
L’article mentionne que le chiffre d’affaires annuel des trafics de stupéfiants en France se situe entre 3,5 et 6 milliards d’euros. Ces sommes faramineuses échappent à toute fiscalité et servent à financer des structures criminelles, de la corruption, des achats d’armes, et même des cavales spectaculaires.
Les efforts répressifs, malgré des moyens croissants, ne font qu’égratigner la surface. Les saisies records, comme les 26 tonnes de cocaïne interceptées en 2021, ne représentent qu’une infime partie du total des flux. Le marché illégal reste largement approvisionné, avec des produits toujours plus disponibles et de meilleure qualité. Cette « guerre contre la drogue » est un leurre coûteux, inefficace, et surtout criminogène.
La violence, symptôme d’un marché illégal
Loin d’être intrinsèque aux drogues elles-mêmes, la violence est le produit direct de leur illégalité. Lorsque l’on prive les producteurs et distributeurs d’un cadre légal pour opérer, ceux-ci se tournent vers des moyens brutaux pour protéger leurs parts de marché et régler leurs différends. Les règlements de comptes sanglants, la « jambisation », les assassinats de jeunes recrues ou d’innocents pris dans les tirs croisés sont les conséquences inévitables d’un système qui criminalise l’activité au lieu de l’encadrer.
Un modèle alternatif : légalisation et régulation
Face à ce constat, il est temps de reconsidérer nos priorités. Le CIRC plaide depuis des décennies pour une légalisation pragmatique et humaine des drogues, à commencer par le cannabis. Cette légalisation permettrait de :
- Démanteler les réseaux criminels : Un marché légal retire aux mafias leur principal revenu.
- Protéger la jeunesse : Un cadre régulé empêche l’accès des substances aux mineurs et réduit les risques associés à une consommation mal informée.
- Réorienter les moyens répressifs : Plutôt que de s’acharner sur les consommateurs ou petits dealers, l’État pourrait cibler les véritables enjeux criminels comme le blanchiment d’argent ou la corruption.
- Créer des recettes fiscales : Une économie encadrée génère des revenus que l’État pourrait investir dans des politiques de prévention et de santé publique.
Des exemples internationaux, comme le Canada, l’Uruguay, ou certains États américains, montrent qu’une approche basée sur la légalisation peut non seulement réduire les violences liées aux trafics, mais aussi limiter les méfaits sur la société.
La prohibition : un échec criminogène
Ce que l’on qualifie d’« échec de la prohibition » n’est pas une simple maladresse stratégique : c’est une politique criminogène, responsable de morts, de souffrances et d’un chaos croissant. Continuer dans cette voie revient à ignorer délibérément les leçons tirées des décennies de répression infructueuse.
La France se trouve effectivement à un point de bascule. Mais au lieu de renforcer des mesures martiales vouées à l’échec, elle doit envisager une politique courageuse et innovante, basée sur les faits et non sur les dogmes. La légalisation, loin d’être un renoncement, serait une réponse rationnelle à un problème qui a trop longtemps été laissé à l’ombre.
Pour le Collectif d’Information et de Recherche Cannabique (CIRC),
La liberté, la santé publique et la sécurité passent par une régulation éclairée.
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