Une étude récente d’envergure, publiée le 23 décembre dans la revue scientifique « Addiction », révèle une transformation significative des habitudes de consommation aux USA. Le cannabis, autrefois marginalisé et illégal, est en passe de remplacer l’alcool comme substance quotidienne dans toutes les tranches d’âge de 19 à 65 ans. Cette tendance, particulièrement marquante chez les jeunes adultes, met en lumière un changement culturel profond.
Un basculement historique
Au milieu du 20e siècle, environ 10 % des Américains consommaient de l’alcool quotidiennement, une proportion largement supérieure à celle des consommateurs de cannabis. Cependant, depuis les années 1990, les attitudes envers le cannabis ont évolué. La légalisation de l’usage médical et récréatif dans de nombreux États – 40 pour l’usage médical et 24 pour l’usage adulte – a rendu cette substance plus accessible et plus acceptée.
Pour comprendre cette évolution, Megan Patrick, chercheuse à l’université du Michigan, a analysé les données de l’étude « Monitoring The Future Panel Study », qui suit les tendances de consommation de drogues depuis 1976. Ces données révèlent une progression constante de la consommation quotidienne ou quasi-quotidienne de cannabis, parallèlement à un déclin de la consommation d’alcool.
Les jeunes adultes : le cannabis en tête
Chez les 19-30 ans, le cannabis surpasse largement l’alcool en tant que substance de consommation quotidienne. En 2023, 10,4 % des jeunes adultes fumaient quotidiennement ou presque, contre seulement 3,6 % pour l’alcool. Cette tendance s’est inversée depuis 2011, alors qu’auparavant, la consommation d’alcool dominait.
Les jeunes générations semblent adopter le cannabis pour diverses raisons, notamment sa perception comme moins nocif, l’absence de gueule de bois, et ses effets relaxants mieux adaptés aux rythmes de vie modernes. Cette préférence pourrait également refléter un rejet des habitudes de consommation associées à leurs aînés.
La génération X : une convergence des consommations
Les adultes de 35 à 50 ans présentent une évolution plus lente mais tout aussi notable. En 2023, 7,6 % d’entre eux consommaient de l’alcool quotidiennement ou presque, contre 7,5 % pour le cannabis. Cette parité est inédite et marque un basculement dans les habitudes d’une génération qui, bien que marquée par les excès des années 1980 et 1990, adopte progressivement le cannabis.
Les seniors : une évolution en marche
Chez les 55-65 ans, la consommation quotidienne d’alcool reste plus élevée (11,4 %) que celle du cannabis (5,2 %). Cependant, l’étude anticipe un rapprochement entre ces taux dans les années à venir. Avec l’émergence de produits à base de cannabis adaptés aux besoins des seniors (tels que les huiles ou les capsules à faible dose), de plus en plus de retraités se tournent vers le cannabis pour gérer le stress, la douleur ou les troubles du sommeil.
Les implications sociétales et économiques
Ce changement de paradigme a des conséquences majeures sur le plan sociétal. D’une part, il reflète une acceptation croissante du cannabis comme une substance récréative et thérapeutique. D’autre part, il pourrait remodeler les industries de l’alcool et du cannabis, ces dernières voyant une augmentation rapide de leur chiffre d’affaires.
Les politiques publiques devront également évoluer pour s’adapter à cette nouvelle réalité. Une meilleure réglementation du cannabis est nécessaire pour éviter les abus et garantir la qualité des produits. En parallèle, l’éducation sur les risques liés à la consommation abusive, que ce soit d’alcool ou de cannabis, reste essentielle.
Vers une société plus cannabis-friendly ?
Alors que le Dry January encourage à réévaluer la consommation d’alcool, ces données montrent que le cannabis devient une alternative pour de nombreux Américains. Ce basculement, qui pourrait bien s’étendre à d’autres pays, illustre une transformation culturelle profonde. Le cannabis, longtemps diabolisé, s’impose progressivement comme une substance du quotidien, redéfinissant les normes de consommation et les habitudes sociales.
Pour le CIRC, cette étude confirme l’urgence de réformer les politiques prohibitionnistes et de promouvoir une réglementation pragmatique et inclusive. Elle souligne également l’importance de continuer à informer et éduquer sur les usages du cannabis, afin de déconstruire les stigmatisations et de favoriser une consommation responsable.
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