Illustration : dans sa décision du 29 décembre 2022, le Conseil d’État a donné raison aux quatre sociétés lorraines de Sierck-les-Bains, Metz, Thionville et Longwy qui se battaient depuis plusieurs années. Photo RL /Gilles WIRTZ
Le Conseil d’État, plus haute juridiction administrative française, vient d’autoriser la vente de feuilles et de fleurs de cannabis ayant un taux de tétrahydrocannabinol (THC) inférieur à 0,3 %. Un long combat judiciaire, porté localement par plusieurs commerçants vendeurs de cannabidiol (CBD).
D’une interdiction générale du CBD jusqu’aux seules fleurs
Depuis 2018, les pionniers lorrains du marché du CBD en France ont rencontré de nombreux obstacles. Des perquisitions, des gardes à vue et des poursuites les ont, pour certains, contraints à baisser le rideau. En cause ? Un flou législatif. Au départ, les ministères de la Justice et de l’Intérieur avaient tapé très fort, interdisant, en substance, tous les dérivés de CBD. Au détour d’avancées jurisprudentielles et législatives, l’interdiction s’est assouplie. Les produits cosmétiques et transformés débarquent même dans les étals des pharmacies et des grands magasins. Mais les fleurs et les feuilles séchées, à l’état brut, restaient dans le viseur de la place Beauvau, dans le cadre d’un arrêté publié le 30 décembre 2021.
Ce que dit l’arrêt : les fleurs ne peuvent pas être interdites !
Les sociétés Weedstock à Longwy, Comptoir du Chanvre à Sierck-les-Bains, Buddha Farm’s à Thionville et Zenitude à Metz se battent depuis le début. Elles ont franchi toutes les marches de la pyramide juridique, jusqu’au sommet. Dans sa décision du 29 décembre 2022, le Conseil d’État leur donne gain de cause. « Nous sommes vraiment très contents. Le sens de la décision est extrêmement clair, net et précis : le Conseil d’État indique qu’il ne peut y avoir d’interdiction pure et simple des fleurs de CBD », explique Me Vincent Guiso. Le Conseil d’État a confirmé ainsi, au fond, la décision prise en référé en janvier 2022.
Les juges ont annulé l’arrêté du 30 décembre 2021. Ils se sont fondés sur une précédente décision du Conseil constitutionnel, qui définit clairement, pour la première fois, quelle substance peut entrer dans la catégorie des stupéfiants. Il faut des effets psychotropes et provoquer une dépendance. « En deux lignes, le Conseil d’État plie le sujet : il n’existe pas d’études sérieuses qui démontrent une dangerosité du CBD avec un taux faible de THC. Sans risque pour la santé publique, l’interdiction absolue de leur commercialisation est illégale. »
Et maintenant ?
L’arrêté est annulé. La vente et la consommation de fleurs retombent donc dans le flou juridique et l’absence de réglementation. En attendant le prochain arrêté, qui réglementera précisément la vente des feuilles. « On espère qu’il ne s’agira pas d’une réglementation qui aurait à nouveau les effets d’une interdiction. Il reste une volonté politique claire de freiner des quatre fers sur cette question. On se retrouve sans réglementation, sans traçabilité, avec l’obligation de se fournir dans des pays où les contrôles n’existent pas. »
Aujourd’hui, des producteurs de CBD s’implantent en France, même en Lorraine. Ils ont besoin de certitudes et de lisibilité. « Il faut que tous les ministères, Santé, Intérieur, Justice, et même Bercy se mettent autour de la table avec les représentants de la filière. »
Les consommateurs ont aussi besoin de clarifications, notamment face aux contrôles. Des tests simples permettent de différencier fleurs de cannabis et de CBD sur les têtes qui seraient encore dans leur pochette. Mais les tests salivaires réagissent de la même manière, après consommation, quel que soit le taux de THC. « Mon conseil : éviter de consommer du CBD avant de prendre le volant. Sinon, en cas de contrôle, il faut impérativement demander une contre-expertise sanguine, sans attendre. »